Vous connaissez sûrement la Lettre que le Père Libermann a écrite à la communauté de Dakar et du Gabon en novembre 1847. Cf. Notes et Documents, Tome IX, page 330.
« Ne jugez pas au premier coup d’œil ; ne jugez pas d’après ce que vous avez vu en Europe, d’après ce à quoi vous avez été habituées en Europe, dépouillez-vous de l’Europe, de vos mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres avec les nègres, et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres, pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire aux maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C’est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ ».
Nous prenons ce petit extrait de la Lettre pour la réécrire, en l’adaptant à nous aujourd’hui, à nos différentes conditions missionnaires. C’est osé de notre part, mais il nous faut passer par là, pour comprendre à fond ce que Libermann veut nous dire sur les exigences et la beauté d’une vie missionnaire à la manière spiritaine :
« Ne jugez pas au premier coup d’œil ; ne jugez pas d’après ce que vous avez vu en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, en Afrique ou en Amérique Latine, d’après ce à quoi vous avez été habituées en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, en Afrique ou en Amérique Latine, dépouillez-vous de l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique du Nord, de l’Afrique et de l’Amérique Latine, de vos mœurs, de son esprit ; faites-vous badjaos avec les badjaos, pygmées avec les pygmées, manjaques avec les manjaques, makuas avec les makuas et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous badjaos avec les badjaos, pygmées avec les pygmées, manjaques avec les manjaques, makuas avec les makuas pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique du Nord, de l’Amérique Latine ni de l’Afrique, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire aux maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C’est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ ».
Selon le Père Paul Coulon, le Père Libermann l’a écrit à partir du schéma de la Lettre de saint Paul aux Philippiens 2, 5-11. C’est fort intéressant ce parallèle !
« La mission est une transmission, elle est une généalogie », nous dit le Père Richard Fagah. C’est-à-dire que la mission passe de l’une à l’autre… Eugénie rencontre Libermann à travers sa spiritualité et elle s’y retrouve pleinement, « Voici notre esprit tout trouvé ». D’Eugénie à ses compagnes, en passant par nos Aînées, la mission arrive ainsi jusqu’à chacune de nous, aujourd’hui, héritières de la spiritualité spiritaine.
En accueillant le plus fragile, l’exclu, le pauvre, le méprisé dans nos vies, au sein de nos communautés et de nos œuvres, nous devenons chaque jour davantage des missionnaires de proximité, de communion, de présence, de service, de disponibilité, de générosité, de rencontre, de dépouillement, de vie intérieure. Et selon le langage du Pape François, des « missionnaires de la périphérie ».
Le Père Raymond Jung nous disait : « Libermann était un homme de son temps. Mais il a dépassé son temps, en incarnant l’Évangile dans sa vie et dans ses écrits. Et quand c’est le moment d’agir, Libermann va, il avance dans la marche de l’histoire ». Le Père Libermann nous offre, par sa vie, une audace entrepreneuse et communicative.