Je m’appelle Odulia Jean, de nationalité Haïtienne. Après mon noviciat au Cameroun j’ai été envoyée au Cap-Vert où j’ai vécu 4 ans. Aujourd’hui, je suis en Guinée-Bissau. Heureuse de rencontrer le peuple guinéen, spécialement les Manjaques avec qui nous vivons.
C’est un peuple très religieux, tellement lié à leurs traditions qu’il lui est très difficile d’accueillir les valeurs évangéliques. Très attaché aux esprits des ancêtres. Ils ne font rien sans demander leur permission même pour bêcher la terre ou pour couper un arbre, par exemple.
Je travaille un peu « dans la récupération » des enfants malnutris de 6 mois à 5 ans. Normalement, les enfants sont bien nourris, et quand il y a des cas ce sont parfois très graves. Quelques fois, il est nécessaire de les transférer dans un Centre équipé pour l’hospitalisation. Il est difficile aux mamans de laisser la maison, les travaux, les autres enfants pour aller rester là , loin, un à deux mois, jusqu’au rétablissement de l’enfant. Le travail de prévention est très important. Que l’enfant puisse retrouver la santé demande beaucoup de temps. La ration, farines améliorées et compléments, donnée pour 15 jours est partagée avec d’autres membres de la famille, de la maison, parfois de 3 ou 4 familles.
Un samedi, après la catéchèse, je suis allée rendre visite à un catéchiste qui n’était pas venu car il était malade. En arrivant, je ne l’ai pas trouvé. Mais j’ai trouvé son frère aîné qui était vraiment malade avec des œdèmes aux jambes, pieds, mains, face. J’ai été effrayée devant sa situation car je ne savais pas qu’il était malade. Je l’ai encouragé à aller consulter un docteur pour connaître l’origine de sa maladie. Il me demande avec tristesse, « où, en Calequisse ? » (le dispensaire plus proche, dans la région). « A Canchungo, lui ai-je répondu, à l’hôpital pour pouvoir voir un docteur, faire des analyses et connaître l’origine de la maladie ». Il me dit : « Je n’ai pas d’argent. Pouvez-vous m’aider ? ». Je lui ai demandé : « Combien avez-vous ? ». « 10.000 », me répondit-il. « Avec cela vous pouvez consulter et faire les analyses. Allez-y et au retour montrez-moi la prescription médicale. Nous allons voir comment vous aider, ne tardez pas ». Tandis que nous parlions son frère arrive et je l’ai encouragé à l’accompagner.
Le mardi, je suis revenue chez eux, il me dit, « Je vais demain, mercredi ». Le vendredi, je suis allée pour voir la prescription médicale. Grande surprise ! Il n’était pas allé à l’hôpital. Je lui ai demandé pourquoi n’était-il pas allé ? Mais il ne voulait pas trop parler car ses enfants étaient là . J’ai demandé à son fils pourquoi ne l’avait-il pas accompagné ? « Nous n’avons pas des moyens », m’a-t-il répondu. « Mais il avait 10.000 et avec cela, on peut être consulté». Le fils n’était pas content, car il niait qu’il avait quelque chose. Samedi vers 10 h est passé un voisin qui m’annonçait le décès de Fernando. Je suis restée sans parole devant ce fait.
Il y a peu de participation en ce sens. Les personnes les plus âgées, sont les plus maltraitées. Elles souffrent et meurent sans aucun soulagement. Ils disent : « Dieu l’a appelé, il a déjà bien vécu ». Le décès d’une personne âgée est une occasion de grande fête et aussi de concurrence pour voir qui va tuer plus de vaches. Parfois, 30 à 35 vaches sont tuées, sans compter les cochons, et les pagnes qui sont enterrés avec le mort. Les pagnes seront emportés par le défunt aux membres de la famille déjà décédés. Cela est normal car montre la richesse et le pouvoir.
Avec peu de moyens mais de la patience, du dévouement, de l’amitié et de la confiance, nous encourageons les personnes à se laisser aider. Notre désir, c’est qu’elles reconnaissent et accueillent Jésus Christ qui pourra les guérir de leurs maux les plus profonds, surtout celui de la peur des esprits qui les paralyse.