Chers Amis et chères Sœurs,
Le moment de clôturer le Premier Centenaire de la Fondation de notre Congrégation est arrivé, une page de notre histoire se tourne. Voici, devant nous, le deuxième Centenaire. Une nouvelle page s’ouvre. Ensemble, nous commençons à l’écrire, vous et nous, dès aujourd’hui, car le Seigneur nous a manifesté sa bonté et son amour, depuis le jour de notre Fondation. Oui, préparons ensemble, le chemin du Seigneur, traçons droit dans les terres arides une route pour notre Dieu. Cf. Isaïe 40, 1-11.
Il nous a été donné la grâce de parcourir, tout au long de cette année jubilaire, de façon peut-être plus approfondie, intime et aussi méthodique, l’itinéraire historique, humain et spirituel de notre Institut et de sa Fondatrice, Sœur Eugénie Caps. Même si nous sommes conscientes, que beaucoup de travail à ce niveau reste encore à faire.
C’est ensemble, en Congrégation et avec d’autres personnes, que nous avons contemplé avec émerveillement et action de grâces les figures de cette aventure spirituelle et missionnaire des débuts de l’Œuvre. Toutes les démarches que le Guide du Centenaire nous proposait : différents Pèlerinages, Rencontres de tout ordre, Colloque, Portes ouvertes, Conférences, Retraites, Célébrations, Lettres adressées à Sœur Eugénie Caps, Chants composés exprès pour cet évènement jubilaire, nous ont amenées à accueillir plus paisiblement notre histoire de famille. Tout ce matériel mis à notre disposition nous a aidées aussi à faire un chemin de réconciliation avec certaines des figures de notre histoire.
Avec reconnaissance, nous leur avons donné la juste place, et l’histoire des débuts de l’Institut devient ainsi, pour chacune d’entre nous, une belle page, où toutes les lignes s’accordent, se lient et s’entrelacent au rythme du souffle de l’Esprit. Quelle harmonieuse écriture, n’est-ce pas ?
C’est vrai, nous l’avons aussi fortement constaté pendant cette année 2021, que « le vent souffle où il veut ». Et oui, « le vent souffle où il veut » depuis le jour de notre Fondation. Cette parole de l’Évangile de Saint Jean, nous a fidèlement accompagnées, par moments bousculées, et certainement interpellées à plus de liberté intérieure, de zèle apostolique et d’audace évangélique.
« Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle, élève la voix avec force, ne crains pas ». Cf. Isaïe 40, 9-10, nous encourage le prophète.
Sœur Eugénie Caps a osé suivre la voix du Seigneur, porter la Bonne nouvelle par la Fondation d’un Institut uniquement missionnaire, en étant bien consciente, comme elle-même l’écrit à Mère Michaël, que « Jésus est venu chercher : les pauvres, les faibles, les incapables et comme je suis tout cela, c’est le cœur rempli de confiance en mon Sauveur, que je viens mettre toute ma bonne volonté, tout mon désir sincère, toute ma capacité d’aimer et de servir dans l’Œuvre bénie qu’est notre cher Institut ». Lettre de Sœur Eugénie Caps à Mère Michaël Dufay, 2 mai 1930.
C’est habitée par cette fine lucidité, de ce que nous sommes dans notre pauvreté humaine, et baignée dans cet esprit libermannien d’abandon spirituel que Sœur Eugénie nous a fondé. Les débuts ont été, comme pour toute œuvre de Dieu, difficiles, même très difficiles étant donné le contexte historique de l’époque. Des débuts, comme nous le savons, remplis d’imprévus et d’épreuves, qui ont permis à Sœur Eugénie de vivre dans son âme les douleurs de l’accouchement. A l’image de toute mère, elle a mis au monde notre chère Congrégation, le jour de l’Épiphanie du Seigneur, Dieu manifesté aux nations. Et après toutes ces douleurs vient la joie de voir l’Institut se structurer et s’épanouir.
Voilà une histoire, qui nous parle de naissance. Une naissance qui nous appelle à devenir des petites lumières sur un chemin d’espérance, car tous et toutes « nous sommes associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile ». Cf. Éphésiens 3, 2-6.
Puis, Sœur Eugénie, la fondatrice, fait ses premiers vœux le 5 octobre 1924, en compagnie d’autres jeunes qui portaient le même désir qu’elle. Ensuite, elle reçoit son obédience pour Mortain, comme Supérieure de communauté.
Le 3 novembre, de la même année, un bon nombre d’entre elles, toutes nouvelles spiritaines, partent pour le Cameroun. Mais Eugénie, elle la première à porter le Charisme des Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, elle la première d’entre nous à être appelée à suivre Jésus Missionnaire, elle ne partira pas. Elle n’est pas envoyée en Afrique, comme son cœur le désirait depuis toujours.
Écoutons comment elle a vécu cet évènement, comment elle s’exprime dans son Journal, le 2 novembre 1924, veille du départ de ses compagnes, « Demain, nos premières Sœurs en partance pour l’Afrique quittent notre terre de France pour emporter la Bonne nouvelle à mes chers frères. Mon Dieu, cette Œuvre est fondée pour eux, bénissez nos Sœurs, vous avez tout fait. Vous nous les avez données. Mon sacrifice se dresse devant moi, Jésus, je ne pars pas avec elles, Vous seul. Jésus votre volonté et c’est tout. Si j’ai été au début de cette Œuvre, je ne le suis pas moins maintenant. Par mes souffrances dans la retraite, le renoncement, l’immolation de tout moi-même, tout pour cette chère entreprise que j’aime tant. Mon Jésus, vous savez tout. Ces joies intimes, intérieures, surnaturelles, qui parfois me font passer des heures qui ne sont pas de la terre, me viennent de vous, mon Dieu. Oui, joie de voir avancer l’Œuvre, de voir briller d’autres à ma place, tant de vocations arrivent, tandis que moi de mon petit coin inconnu, vue de personne, je travaille pour votre plus grande gloire. Oui, mon Dieu, je redis vos miséricordes. Vous avez fait par moi de grandes choses. Vous avez bien voulu vous servir de moi pour fonder cette Œuvre de Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit et du Saint Cœur de Marie. Je chante votre puissance et je reconnais que vous êtes l’auteur de toutes choses ». Par ce bouleversant texte où la vie se conjugue avec la vérité, la foi s’accorde avec l’humilité, et où de la douleur renaît le pardon, Eugénie nous dévoile tout simplement le fond de son cœur, en nous montrant sans ambiguïté le chemin sur lequel elle-même marche, le chemin de la douce fidélité au Seigneur, coûte que coûte.
Après Mortain, Sœur Eugénie part à Allex, toujours en France, et plus tard en raison d’une fatigue qui perdure, elle est envoyée à Montana, en Suisse. Elle est ainsi appelée à vivre le présent dans le dépouillement de sa propre volonté. Elle consent librement à cet exercice spirituel de renoncement, afin de donner toute la place à la volonté de Dieu.
Sœur Eugénie ne s’arrête pas aux regrets ni aux lamentations, de ne pas être envoyée là où son cœur voulait. En revanche, elle fait un saut dans la foi pour se décentrer, sans hésitation, d’elle-même et se fixer avec détermination dans la mission qui lui est demandée. Elle nous confie, « Mon Dieu que votre sainte volonté soit faite. Avant de quitter Paris, je suis allée à Notre-Dame des Victoires recommander à cette bonne Mère ma future mission. Oui, bonne Mère, bénissez-moi, bénissez celles auprès desquelles je dois être un modèle parfait de la vie religieuse. Donnez-moi de bien les diriger. De ne faire souffrir personne, d’être bonne, douce. D’être surnaturelle et de supporter avec patience tout, tout. Faire mon devoir et m’oublier de plus en plus, voici ce que je viens faire ici. Mon Jésus me voici, faites de moi selon votre bon plaisir ». Cf. Journal de Sœur Eugénie Caps, 23 août 1926.
Nous avons une fondatrice qui sait prendre de la hauteur, sans se noyer dans ce qui pour elle semble superficiel et relatif. Nous savons qu’après la fondation de l’Institut Sœur Eugénie, femme très vive de caractère et d’action déterminée, va parcourir un chemin bien épineux, sillonné d’épreuves, par moments rempli d’obscurités. Cependant, sa docilité dans les mains du Seigneur, sa confiance en la parole qui lui a été dite de la part du Seigneur, « L’Œuvre réussira, je la désire de tout mon cœur », ne l’abandonnera jamais, l’accompagnera toute sa vie. Cette promesse lui donnera jusqu’au bout l’espérance nécessaire pour marcher dans la fidélité du Seigneur, sans regarder jamais en arrière.
Nous pouvons l’affirmer avec conviction : jamais Sœur Eugénie n’a regretté d’avoir fondé la Congrégation. Jamais, nous avons lu ou entendu qu’elle se reprochait d’avoir épousé les vues du Seigneur, qui passaient bien souvent par les autres. Lucide de discernement, éclairée dans ses idées et habitée par une force intérieure tenace, Eugénie a pu réaliser l’impossible, aux yeux des personnes de son temps.
« Ecoutez la voix des guetteurs, ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur ». Cf. Isaïe 52, 7-10.
L’itinéraire spirituel de Sœur Eugénie donne à notre vocation de consacrées uniquement missionnaires une force, un dynamisme, une lumière. Sa grandeur d’âme, son chemin de sainteté se découvrent dans sa façon humble à elle d’accueillir la volonté de Dieu, surtout dans les moments les plus irraisonnables possibles. La confiance de Sœur Eugénie relève d’un attachement à Jésus et à la Congrégation, sans condition. Elle nous trace de cette manière un chemin d’humilité, elle la fondatrice. Être humble, reconnaître ses faiblesses, savoir accueillir la grâce de Dieu, qui traverse nos fissures humaines, et croire à l’impossible de Dieu, nous qui « sommes appelées à continuer l’œuvre de Jésus », comme l’affirme Eugénie. Cf. Lettres de Sœur Eugénie Caps à Catherine Frentz, Collection spiritaine 2, page 25.
De même, le Père François Libermann, qu’Eugénie estimait tant pour ses écrits, continue à nous rappeler aujourd’hui que « nous sommes tous un tas de pauvres gens réunis par la volonté du Maître qui seul est notre espérance. Si nous avions des moyens puissants en mains, nous ne ferions pas grand’chose de bon. Maintenant que nous ne sommes rien, que nous n’avons rien et ne valons rien, nous pouvons former de grands projets, parce que les espérances ne sont pas fondées sur nous mais sur Celui qui est tout-puissant ». Cf. Notes et Documents, Tome IV, page 303, 1843.
Ainsi, habitées par l’espérance de la promesse du Seigneur à Eugénie, poussées par le zèle apostolique, qui animait notre Fondatrice, et inspirées depuis les débuts de l’Institut par la brise légère de l’Esprit, je clôture avec vous mes Sœurs et Amis le Premier Centenaire de Fondation de la Congrégation des Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit.
Maintenant, en ce moment précis de notre histoire des Spiritaines, en présence de Sœur Eugénie qui est là avec nous par la communion des saints et des saintes, je vous annonce que le Deuxième Centenaire de la Fondation de la Congrégation est ouvert. Il est là devant nous. Bâtissons-le, ensemble, dans l’humilité et l’audace de l’apôtre de l’Évangile. Et « soyons des missionnaires, soyons des saintes », Cf. Lettres de Sœur Eugénie Caps à Catherine Frentz, Collection spiritaine 2, page 29, comme Sœur Eugénie nous le demande.
Ensemble, Sœurs, Oblates-Laïcs, Amis et Frères avançons dans la communion confiante. Transmettons la Bonté du Seigneur, envers tous, de génération en génération. Rayonnons de la joie que nous procurent le zèle apostolique et la vie fraternelle. Veillons, veillons les unes sur les autres, veillons les uns sur les autres, en nous souhaitant paix et bien.
Partons, partons dans l’action de grâces, avec cette parole réconciliatrice de Sœur Eugénie que nous connaissons bien, et qu’elle continue à nous dire tendrement : « Je vous aime tant, toutes. Que je suis contente de voir la si grande union des cœurs entre nous ». Cf. Lettre de Sœur Eugénie Caps à ses Sœurs spiritaines, le 10 mars 1931.
Bon vent !
Soeur Olga Fonseca
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