Dans le cadre du Centenaire du Décret d’érection canonique de notre Institut, nous avons choisi d’approfondir le lien qui existe entre Charisme et Vœu d’obéissance. Le Charisme d’un Institut religieux peut se décrire autour de trois axes, sa mission, son style de vie et sa spiritualité. En ce qui concerne les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, sa mission est l’évangélisation des Peuples, en particulier des pauvres avec une attention spéciale pour les femmes et les enfants. Son style de vie est celui d’une vie religieuse communautaire apostolique. Sa Spiritualité est celle du Père Libermann, telle que l’a comprise et vécue Sœur Eugénie Caps, notre Fondatrice. Nous allons voir comment la spiritualité, la vie communautaire et la mission de l’Institut donnent une couleur particulière à notre façon de vivre le vœu d’obéissance.
Obéissance et Spiritualité
Une attitude d’écoute et d’offrande
« En entrant dans le monde, le Christ dit Voici, je viens pour faire, ô Dieu, Ta volonté. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes ». Hébreux, 10, 5.7.10.
Deux points sont à souligner d’emblée. D’une part, la volonté de Dieu n’est pas une volonté perverse, que ce soit à l’égard de Jésus ou à notre égard, puisqu’elle a en vue notre sanctification. D’autre part, l’attitude de Jésus est celle de quelqu’un entièrement tourné vers Dieu. À la volonté de Dieu, Jésus répond par l’offrande de son corps, c’est-à-dire de toute sa personne, et ce, une fois pour toutes. C’est ce que reprend le numéro 57 de nos Constitutions, « Dès l’entrée du Christ dans le monde, la volonté du Père fut sa nourriture jusqu’à la mort sur la croix. Philippiens 2,8. C’est pourquoi Dieu l’a glorifié, de sorte que les hommes reçoivent de lui le salut et la vie éternelle ».
Surmonter nos obstacles à l’obéissance
Cette attitude d’offrande de soi au Seigneur, heurte parfois notre sensibilité ou notre raison, allant à l’encontre de ce que nous aimons ou de ce que nous pensons. Eugénie était capable de nommer quelques-uns des obstacles qu’elle avait à surmonter pour se rendre disponible au Seigneur, « Nous donnons notre jeunesse, nos forces, nos prières, nous quitterons parents, amies, frères, Sœurs, même notre maison paternelle, notre cher pays, notre Lorraine ». Journal de Sœur Eugénie Caps, 18 septembre 1917. Eugénie sait donc que pour vivre l’obéissance à Dieu, elle doit rompre des liens qui lui sont chers. Le Père François Libermann, lui, nous indique le chemin à prendre, celui de l’abandon « Faites abstraction de votre pauvre petit être, de votre bien, de votre mal, de votre joie, de votre douleur, de votre paix ou de vos angoisses. Une seule chose doit vous occuper, que Jésus fasse de vous, en vous, toute l’étendue de son bon plaisir ». Père Libermann, Lettres Spirituelles, Tome III, page 278.
Faire la volonté de Dieu dans une relation de confiance
Pour vivre ce difficile combat, Eugénie demande à Marie de l’aider, « Aidez-moi, bonne Mère, aidez-moi à faire toujours la volonté de Dieu ». Journal de Sœur Eugénie Caps, le 6 janvier 1916. Oui, nous avons besoin d’aide, de soutien, pour faire toujours la volonté de Dieu, car il arrive que notre volonté soit versatile, non plus orientée vers Dieu, mais vers nous-même, vers la satisfaction de désirs personnels plus immédiats et superficiels. Faire la volonté de Dieu ne peut se comprendre que dans une relation d’amour libre et respectueux. Eugénie a appris cela dès son jeune âge. « Je me préparais de mon mieux à ma première confession, j’eus vite fait de compter mes péchés, car j’avais l’esprit bien éveillé, et avoir fait de la peine au bon Dieu me faisait bien mal au cœur ». Cf. Ma Vocation, Sœur Eugénie Caps, Collection Spiritaine n°3, page 11. « Au Pensionnat de Bouzonville, la Maîtresse à laquelle je fus confiée, Tante Anne-Séraphine, me prenait parfois seule et me parlait de Dieu, comment L’aimer, Lui plaire, Le consoler ». Cf. Ma Vocation, page 15. Faire la Volonté de Dieu, c’est donc aimer Dieu.
Obéissance et vie communautaire
Discernement et décision
Jeune fille, Eugénie fait la volonté de Dieu en aidant sa maman après le décès de son papa, en s’impliquant dans sa paroisse, en s’engageant auprès des pauvres. En agissant ainsi, elle obéissait à l’Évangile, à sa maman, à l’Église locale, aux appels qui surgissaient autour d’elle, en particulier en temps de guerre. « Et tout cela était bon » ! Mais elle s’est sentie appelée à faire la volonté de Dieu dans un autre cadre, celui d’une vie religieuse communautaire. Ce cadre définit un autre chemin d’obéissance. Il s’agit alors d’obéir à Dieu selon des constitutions qui donnent des médiateurs spécifiques. Pour nous, il s’agit de la Communauté et de la Supérieure légitime.
Concrètement, Responsables et Sœurs recherchent ensemble la volonté du Père. L’œuvre de la communauté est alors de relire les événements à la lumière de l’Évangile, des enseignements du Magistère, du Charisme de la Congrégation et des orientations pastorales de l’Église locale inspirant des solutions audacieuses. Cf. Notre Vie Spiritaine n° 60.
Par le vœu d’obéissance, nous nous engageons à obéir aux responsables légitimes selon les Constitutions. Notre Vie Spiritaine n°59.
Communauté et Supérieure doivent remplir leur rôle respectif.
À la Communauté réunie, reviennent la recherche et le discernement.
À la Supérieure, reviennent les décisions qui s’imposent. Cf. Notre Vie Spiritaine n° 61.
Fruits de l’obéissance vécue en communauté
La vie communautaire spiritaine nous permet donc de vivre notre vœu d’obéissance. Réciproquement, vivre le vœu d’obéissance en conformité avec nos Constitutions, nous permet de bâtir au quotidien des communautés spiritaines fraternelles et missionnaires. À l’inverse, tout manquement à la vie communautaire blesse notre vœu d’obéissance, et tout manquement à notre vœu d’obéissance blesse la vie communautaire. Ce qui est vrai pour la Communauté, l’est aussi pour le District et la Congrégation. C’est pourquoi, lorsque l’obéissance est vécue à tous les niveaux, c’est la Congrégation toute entière qui fait la volonté du Père, rejoignant ainsi le désir profond de Sœur Eugénie, « Peu importe les souffrances, pourvu que l’Œuvre se fasse selon la volonté du bon Dieu ! ». Journal de Sœur Eugénie Caps, 6 mars 1921.
« Mon Dieu je vous offre tout pour la réussite de l’Œuvre si chère. Se fait-elle selon vos désirs ? ». Journal de Sœur Eugénie Caps, 13 juin 1922.
Obéissance et Mission
Une participation à la Mission du Christ
« Jésus-Christ nous envoie comme il a été envoyé, notre mission est la sienne ». Père Libermann, Écrits Spirituels, page 374. C’est à cause de lui que nous obéissons. Chaque jour, nous nous efforçons d’entrer dans le dynamisme de sa vie filiale, par l’offrande de notre propre volonté à la volonté du Père en vue du salut du monde ». Cf. Notre Vie Spiritaine n° 58. Telle était effectivement l’intuition d’Eugénie qui écrit dans son Journal le 18 septembre 1917 « C’est pour gagner des âmes à Dieu que nous voulons travailler. C’est pour Vous, mon Dieu, pour Vous tout, tout ! ».
L’obédience, une grâce à accueillir dans la foi
« L’acceptation de l’obédience est au cœur de notre obéissance. Nous acquiesçons dans la foi et l’amour à ce qui nous est demandé pour l’accomplissement du dessein de Dieu, en Église ». Cf. Notre Vie Spiritaine n° 59. L’obédience nous est donnée par la Supérieure légitime, mais dans la foi, nous la recevons de Dieu, comme s’inscrivant dans la mission même du Christ, et dans l’amour, nous y adhérons avec générosité et confiance, pour « faire plaisir » à Jésus. Alors même que l’adhésion à ces décisions peut nous coûter, car notre obéissance, comme celle du Christ passe par la croix, elle est pourtant source de vie pour nous-mêmes et pour les multitudes. Cf. Notre Vie Spiritaine n° 62. Missionnaires du Christ, nous le sommes, parce que c’est lui qui nous envoie, à travers une parole de la Supérieure, une parole prononcée de façon solennelle, après un dialogue centré sur l’écoute de ce que l’Esprit veut nous dire, pour notre bien, le bien de la Congrégation, de l’Église et du monde.
Pistes pour approfondir
Relire personnellement les numéros 57 à 62 de nos Constitutions.
Prier en communauté avec Sœur Eugénie, à partir de ce qu’elle écrit dans son Journal, le 2 novembre 1924, voir Le Mystère pascal, Collection Spiritaine n° 4, page 11.
Partager en communauté pourquoi nous voulons vivre notre vœu d’obéissance.
Soeurs Agnès Simon-Perret et Sandra Dernault