Le jour anniversaire de l’intuition fondatrice d’Eugénie Caps, le Père Franz Lichtlé, Spiritain, s’adresse ainsi aux Sœurs Spiritaines, au cours de son homélie,
En reprenant un peu la vie de Soeur Eugénie Caps m’est revenue une réplique du film « À la recherche du bonheur » avec Will Smith. Un père disait à son jeune fils de 10 ans » Ne laisse jamais personne te dire que tu ne peux pas réussir à faire quelque chose. Même pas moi. D’accord ? Si tu as un rêve, tu dois le protéger. Les gens qui ne sont pas capables de réaliser quelque chose te diront que tu ne peux pas le faire.Tu veux quelque chose ? Va le chercher ! Point à la ligne ! Si tu sais ce que tu veux, alors va le chercher ! Mais tu dois être prêt à prendre des coups. Et ne dit pas que tu n’y arrives pas à cause de lui, d’elle ou de n’importe qui ! Ce sont les mauviettes qui font ça mais pas toi. Tu vaux mieux que ça ! » Il suffit de remplacer le rêve par vocation, appel de Dieu, et on est proche du cheminement de Eugénie Caps. J’imagine que certaines d’entre vous peuvent également s’y reconnaitre.
Dans ce cheminement, nous sommes à la fois berger et brebis. Mais, être chrétien, ce n’est pas être un mouton dans un troupeau anonyme. Dieu n’appelle pas des exécutants serviles mais des personnes uniques avec ce qu’elles sont, avec leur histoire, pour bâtir son royaume et prêcher l’Évangile en paroles et en actes. Avec Jésus comme Bon Berger nous sommes assurés de trouver enfin notre véritable liberté.
Quand on dit c’est un « bon prof, un bon médecin, un bon chef… » Qu’est-ce qu’on veut dire ? Nous voulons sans doute dire qu’il est efficace, qu’il fait du bon travail, mais surtout que sa relation avec ses subordonnés est bonne, que le courant passe. Il n’est pas celui qui vient faire ses heures, toucher son argent comme un mercenaire. Non, on l’estime « bon » parce qu’il paie de sa personne mais aussi parce qu’il « connaît » son monde, il les aide à devenir eux-mêmes responsables dans leur propre travail.
A l’inverse, nous avons sans doute déjà tous fait cette expérience pénible de tomber sur une personne accueillante « comme une porte de prison », d’être considéré comme un numéro, comme un objet. C’est le cas parfois dans certaines administrations, institutions, et même certaines paroisses : c’est l’anonymat, aucune rencontre de personne à personne. Un peu comme ces voix préenregistrées du téléphone qui sans attendre la question, nous donne déjà les renseignements.
Or tous nous ressentons le besoin d’avoir en face de nous quelqu’un qui sait écouter, à qui parler, quelqu’un qui a un nom, dont on peut croiser le regard, quelqu’un de responsable. Nous avons tous besoin d’une personne qui nous appelle par notre nom, nous indique une direction, nous propose un chemin, un sens, ou même qui nous donne une impulsion dans les passages éprouvants : en un mot, un guide, comme Eugénie l’a trouvé en l’abbé Eich !
Aujourd’hui, Jésus se présente comme « le bon pasteur ». Il nous dit par-là combien il souhaite aussi entretenir avec nous une relation interpersonnelle qui nous valorise mutuellement. Lui, le bon berger, il attend que nous soyons : bonnes supérieures, bonnes assistantes, bonnes comptables, bonnes gestionnaires, bonnes secrétaires, bonnes communicantes… bref, bonnes spiritaines.
A la maison mère, vous êtes particulièrement sensibles à la rencontre comme en témoignent de très nombreuses initiatives, propositions et décisions que vous y prenez. Vos relations sont appelées à être vraies, profondes, authentiques, naturelles, dans le respect les unes des autres, fidèles à votre intuition première quand vous avez entendu un appel et que vous avez choisi de rejoindre la congrégation.
Continuer à reconnaître et nommer la voix de Dieu, c’est oser dire, « ici, je crois que Dieu est présent. Je ressens quelque chose qui me dépasse et me fait du bien ». Et ça, c’est un sacrement. C’est vrai, l’Église reconnaît aujourd’hui au moins 7 sacrements, mais des sacrements, au sens où ils sont des signes visibles de la présence de Dieu, il n’y en a non pas 7, dix ou cent mais des millions. Ils parsèment nos vies dans ce que nous faisons et lorsque nous aimons. Écouter la voix de Dieu, c’est prendre conscience de cette présence et oser la reconnaître. Lorsque nous travaillons à faire naître la solidarité, la convivialité dans nos communautés, nos quartiers, nos réseaux, lorsque nous essayons de rassembler, lorsqu’on apprend à mieux se connaître, s’apprécier, lorsque, avec Jésus et comme lui, nous devenons nous aussi bons pasteurs, lorsque les événements de nos vies sont sacramentels, signes visibles de le présence divine, c’est bien Dieu qui nous invite à le suivre, à répondre à son invitation.
Et si ce matin, nous faisions tout simplement silence en nous pour écouter la voix de Dieu et continuer à le suivre.
Homélie du Père Franz Lichtlé, 4ème dimanche de Pâques, 25 avril 2021.