Nous savons toutes combien Sœur Elise a soutenu Sœur Eugénie Caps lors de la fondation de la Congrégation. Nous pouvons l’appeler co-fondatrice et c’est très juste. Mais soupçonnons-nous les difficultés qu’elle rencontra au plan familial, pour s’engager totalement dans ce que beaucoup considéraient comme une aventure ? C’est cet aspect que nous voulons mettre en valeur aujourd’hui. Elise évoque sa jeunesse « J’avais douze ans. J’attendais avec un désir brûlant l’arrivée du Bon Dieu pour la première fois dans mon âme. Ce fut le dimanche de Quasimodo 1913. Quelques semaines après, Mgr l’Evêque de Trèves venait pour nous donner l’Esprit-Saint. Lorsque j’étais agenouillée devant Monseigneur et qu’il m’a imposé les mains, j’ai tremblé.

La pensée que l’Esprit-Saint me sera tout spécialement force et lumière remplissait mon âme de joie et de paix. Mars 1916, c’est la guerre. Elise reste à la maison seule avec son petit frère et ses deux petites sœurs. Sa maman est appelée au service de l’Etat. Temps de grâce, elle peut écrire « Je sentais la présence de Jésus dans mon cœur… j’étais avec Lui, je pensais à Lui et je l’aimais ». 1918, la guerre se termine, le papa rentre à la maison. Bientôt, Elise doit confier à ses parents l’appel qu’elle ressent et son désir de consacrer sa vie pour la mission. Son père la trouve encore bien jeune, elle a 18 ans. Qu’elle prenne donc le temps de réfléchir ! « Ce à quoi Papa ne peut se faire, c’est que j’aie juste choisi cette carrière de missionnaire. Et maman donc ! Elle me donnerait à n’importe quel ordre religieux plutôt qu’à celui des missions ! ».

Soeur Élise, Postulante en 1921.

1920, une heureuse diversion se présente. Elise est envoyée à Bouzonville pour aider une tante malade. « Papa était tout content de me faire changer de milieu, ce qui, peut-être, me changerait les idées, pensait-il. Sans se douter que c’était justement là que la divine Providence m’attendait ». Elle fait la connaissance de l’Abbé Eich, vicaire à la paroisse et lui parle de sa vocation. L’abbé la met en relation avec Eugénie Caps et Elise peut écrire « Je retrouvais en ses pensées mon idéal ». Un idéal partagé par quelques jeunes filles amies d’Eugénie. Lorsque le commencement de l’œuvre était assuré par Mgr Le Roy et assez proche, j’allai le dire à mes chers parents. Ni papa ni maman ne voulaient savoir quelque chose. Je n’en étais nullement surprise. J’ai dû rentrer quelques semaines auprès d’eux, des semaines bien pénibles pour mes parents et pour moi. Un jour, Papa m’a dit « Eh bien, je ne veux pas m’opposer à la volonté du Bon Dieu et je ne veux pas empêcher ton bonheur. Tu peux aller, je te donne ma bénédiction, mais si tu vois que tu t’es trompée ou si la fondation ne réussissait pas, tu as des parents où tu seras toujours la bienvenue ! ».

Soeur Elise, à droite et Soeur Marie-Laurence Brosse à gauche.
Soeur Marie-Laurence, Principale, en visite aux enfants de
« Sainte Thérèse » – Martinique, vers les années 1950.

La sœur aînée d’Elise, Maria, est entrée chez les Ursulines du Calvaire. Elle ne comprend pas le projet de sa sœur. En témoigne la lettre qu’elle lui adresse le 21 novembre 1920, après avoir pris l’avis d’un Père Jésuite, très capable et plein d’expérience : « Je voudrais te déconseiller instamment ton entreprise et j’ai de même écrit à la maison que je suis tout à fait contre, vu la situation. Je crains fort que ce ne soit pas Notre-Seigneur mais toi-même qui choisisses cette affaire que tu ne peux pas juger clairement, qui dépasse tes capacités et qui te nuirait au lieu de te sanctifier. Il est bon de suivre son chemin avec courage et fermeté mais non avec entêtement. Or, tu as une bonne dose d’entêtement et de confiance en toi-même. Le dernier temps passé à la maison, cela m’a frappée et non seulement moi mais aussi maman, papa et Rosa ». Et elle développe longuement sa pensée. Cette histoire de fondation lui semble une histoire de jeunesse.

Elle s’étonne de voir ses parents donner leur consentement avec tant de promptitude. Elise est-elle ébranlée ? Nullement ! L’Esprit-Saint l’éclaire et la soutient. C’est par une lettre courte, ferme et victorieuse qu’elle répond au long plaidoyer de sa sœur. Laquelle, sept ans plus tard, aura complètement changé d’avis. Eugénie a écrit à l’Evêque de Metz pour lui présenter son projet. Mgr Pelt lui fixe rendez-vous le 2 décembre. Deux jeunes filles du petit groupe « d’amies spirituelles » doivent l’accompagner. Mais l’une d’elles, cédant aux pressions de ses parents, abandonne le projet. Aucune autre n’est prête à la remplacer « il ne restait que moi, petite enfant de la dernière heure, pour accompagner Eugénie et Lucie chez l’Evêque », écrit modestement Élise. Petite enfant, une attitude intérieure bien évangélique que l’on retrouvera tout au long de la vie de notre Aînée.

Nous pouvons nous en inspirer, nous aussi, laisser à Dieu l’initiative, lui répondre sans crainte et sans complications avec la certitude d’être aimée, la certitude que nous ne sommes pas seules à nous débattre dans nos difficultés. La certitude que Dieu est là, faisant de nous ses fils et ses filles, par la force de son Esprit.

Soeur Paul Girolet