Sœur Denise Pariseau, Spiritaine, vit au Cameroun, à Mvolyé depuis plusieurs années. Elle visite régulièrement des personnes en prison et fait des rencontres inoubliables!
On l’appelait le « drogué », c’était son nom ! Quand il arriva pour la 1ère fois à la communauté il faisait peur.
Hors de lui, il maudissait et criait, les yeux sortis de la tête, menaçant tout et chacun. Il n’a pas voulut partir, j’eus peur et appelai le Commissariat, car tout autour de notre maison, il y a le jardin d’enfants avec ses 450 petits de 3 à 5 ans et le dispensaire avec femmes et bébés.
Après interrogatoire, la police l’emmena à la gare routière, lui prit le billet pour son village et partit. Quand elle eut tourné le dos, le drogué vendit son billet et revint en ville.
Peu après, il se retrouva devant notre portail, l’air hagard, toujours vociférant, injuriant.
Je lui demandai: « Que veux-tu? ». Il répondit: « J’ai faim ».
Je demandai aux femmes qui vendaient dehors près de l’école, de lui donner un pain farci tous les matins. Notre homme partit avec son pain. Il revint ainsi tous les jours.
Il ne voulut pas me dire son nom mais j’ai su par ailleurs qu’il s’appelait « Alphonse ». Son visage commença à changer, apaisé, une lumière dans les yeux.
Après une bonne année, je me demandai : à son âge, 20 ans, quémander son pain, quelle honte !
Je demandai à notre jardinier s’il avait une idée de ce que notre homme pouvait faire comme travail ? « Cette espèce là , zéro », me répondit-il. « Je sais seulement que sa mère l’a mis dehors, parce qu’il ne fait rien, il est l’aîné de la famille ».
Au matin de Pentecôte, à 7 h, ça sonne ! Il vient chercher son pain. Les vendeuses ne sont pas là . Je lui préparai un morceau de gâteau, m’informai de ses amis, de son réseau… »C’est fête aujourd’hui, ça va pour toi ! » Souriant, paisible, lumineux, il me répond: « Je Suis ». Il partit et se retourna et redit: « Je Suis ».
Bouleversée, je compris qu’en ce matin de Pentecôte, Dieu s’était manifesté à moi… C’était son Nom. Le Nom qu’il donna à Moïse qui lui avait demandé: « Comment tu t’appelles ? ». « JE SUIS », dit Yahvé.
L’histoire d’Alphonse est de tous les jours, mais c’est l’unique raison qui me fait entrer dans la prison depuis 10 ans car Yahvé « JE SUIS » est là !