Sœur Adèle Petitdemange naît le 29 Novembre 1908, au cœur d’un village vosgien, situé au col du Bonhomme. Adèle dira plaisamment que ce qui lui avait le plus coûté pour répondre à l’appel de Dieu, c’était « de quitter son Bonhomme ! ».

soeur-aAele--1.jpgIl lui faut attendre 1934 pour connaître la joie de poser le pied en terre africaine, exactement au Cameroun où souffle un vent de Pentecôte. A Yaoundé, la capitale, de nombreuses jeunes filles venues de toute la région aspirent à la vie religieuse qu’elles ont découverte en voyant vivre les Sœurs missionnaires.

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Soeur Adèle formant les futures « Filles de Marie de Yaoundé ».

Elles ont été prises au sérieux mais une longue préparation s’impose. Sœur Adèle est intégrée à l’équipe de formation chargée de cette tâche. Pendant 28 ans, elle sera au service de la jeune congrégation des « Filles de Marie de Yaoundé » qui deviendra autonome en 1962. « Ma joie est alors celle d’heureux parents qui voient leur fille réaliser un beau mariage », écrit-elle. Quelques années à la communauté de Yaoundé et voici Sœur Adèle à la léproserie de Kwamb. Avec sa facilité d’adaptation, elle apprend rapidement à fabriquer des chaussures orthopédiques à l’usage des malades mutilés et forme un camerounais capable, bientôt de la remplacer. Puis, en 1968, c’est la scierie de Dimako, avec son millier d’ouvriers et beaucoup de jeunes mamans à initier aux activités féminines.

Habitat des Pygmées dans la forêt, appelé « Mongoulous »

Deux années passent encore avant la « grande aventure » qu’elle présente ainsi, elle a 62 ans. Le Seigneur me fait signe pour aller plus loin :
– Veux-tu aller à Messok ?
– Le village est-il plat, là-bas car mes jambes se font vieilles ?
– Oui, c’est un beau village, un carrefour bien plat.
– Y a-t-il encore des païens là-bas ?
– Oui, beaucoup, la majeure partie.
– Y a-t-il des Pygmées ?
– Oh ! pour çà, oui, bien sûr, c’est leur pays !
– Alors, oui, Seigneur, me voici. Merci de me donner ce qui a fait si longtemps l’objet de mes rêves.

Une Maman Pygmée et son nouveau-né.

En Août 1970, pour permettre à Sœur Marie-Albéric de réaliser son projet, Sœur Adèle accepte de l’accompagner et de vivre avec elle à Messok, dans la forêt de l’Est-Cameroun.

En 1972, notre pionnière, insatisfaite, va s’installer dans un camp pygmée à 30 kilomètres de Messok et Sœur Adèle reste seule au village, n’ayant aucun moyen matériel d’en sortir. Son ancienne compagne aura soin de la visiter souvent, grâce à la    « Land-Rover » dont elle dispose jusqu’au jour où Sœur Marie-Albéric est victime d’un accident mortel, le 19 Mars 1974. C’est un coup terrible pour Sœur Adèle. Pas une minute, cependant, elle n’envisage de partir.

Petite statuette protectrice pygmée.

Pendant six années encore, elle vivra à Messok, seule le plus souvent, une compagne lui fut donnée pour un temps, ne voulant être qu’une simple femme de village comme toutes les autres, partageant leur vie dans tout ce qui était possible. Elle écrit : « Là, j’ai appris à connaître les mœurs africaines. Comment se vit l’hospitalité, le partage, la fête mais aussi l’impuissance devant les forces de la nature, la peur des esprits et des sorciers, le recours continuel aux fétiches, etc. J’ai également assisté à de beaux offices liturgiques préparés et animés par des laïcs seuls, puisque nous n’avions le prêtre qu’à peu près une fois par mois et je puis vous assurer que je n’ai vu nulle part des offices aussi vivants et joyeux ! ».

Du « journal » qu’elle tient fidèlement, retenons deux événements pris entre beaucoup d’autres. Ils illustrent bien ses propos.

Une histoire de sorcier
Dimanche 23 avril 1977, à l’église où se déroule une célébration sans prêtre, Moussa, le grand sorcier de Yokadouma, qui s’est introduit, prend la parole, il dit qu’il y a un fétiche caché dans l’église. A midi, il s’y rend pour le déterrer. Une bande de curieux l’accompagne. Propos des gens « cet homme enlève les fétiches et enlève le mal. Il fait son travail ! », moyennant argent.
Lundi 8 Mai A 7h30, je suis à l’église pour prier comme de coutume. Le sorcier arrive avec les pygmées battant le tam-tam, chantant et dansant. En un instant, je me trouve sur la porte, lui interdisant d’entrer. Je dis : « vous n’entrerez pas ici ! Pourquoi, Madame ? ». Je parviens à mettre la clé au cadenas et les deux maîtres d’école arrivent. C’est alors que l’on vient me dire que Philomène, une chrétienne, se meurt. Je suis vite près d’elle. Pendant ce temps, le sorcier et les pygmées remontent en chantant et s’arrêtent sur la place tandis que les villageois y compris quelques chrétiens font cercle autour d’eux. Providentiellement, dans la journée, le Père arrive, avec deux Spiritaines. Il éclaire bien les chrétiens et les met devant leurs responsabilités. Demain, il présidera les obsèques de Philomène.

Le « départ » du vieux Moll
25 Novembre 1977, le catéchiste nous dit le matin : « Moll m’a appelé pendant la nuit pour le baptême car il va partir ». Moll lui a raconté sa vie. Le matin, il a appelé toute sa famille, c’est-à-dire tout le village, pour faire ses recommandations. Il demande le baptême. Il dit : « Tous les matins, j’entends le tam-tam qui me dit, il y a ici un beau village. Ce matin, j’ai entendu que mon temps était venu de partir. Alors, j’ai dit : vous qui êtes là, venez me chercher ! » Thomas, le catéchiste, l’a baptisé. Il était revêtu d’un boubou blanc et bien fatigué. Il a voulu s’appeler Aloys et a choisi Thomas comme parrain. Nous avons prié et chanté avec l’assistance. Il baisse tout doucement. Le 30, le Père en tournée, va le voir et lui parle longuement de la communion, du sacrement des malades, de Dieu. Moll lui dit : « Les choses de la terre ne sont rien. Donne-moi toutes les choses de l’Église ». Le Père lui donne les deux sacrements. Le 2 Décembre, il rend son âme à Dieu.