Nous entrons dans un nouveau Centenaire, celui de l’érection canonique de notre Institut. Notre objectif n’est pas de nous faire avancer en regardant dans le rétroviseur, mais de toujours faire mémoire du Passé, pour vivre le Présent tournées vers l’Avenir.
Sœur Eugénie Caps aimait se souvenir des événements passés et rendre grâce. Elle aussi, aimait les anniversaires. Nous lisons dans son Journal, le 13 mars 1923 « 1er anniversaire de la première Messe dans la maison de Jouy. Jésus, comme en ce jour, bénissez-nous tous ».
Dans ce même élan, entrons dans la relecture et l’espérance de ce nouveau Centenaire.
Un peu d’histoire
Souvenons-nous, dans son récit, Sœur Élise Muller mentionne une lettre envoyée de Rome par Monseigneur Le Roy. Il s’adressait au petit groupe de Farschviller et leur faisait part « des bénédictions affectueuses du Saint Père ». Il promettait un signe, une « preuve authentique de l’intérêt qu’il (Benoît XV) vous porte ». Sans tarder, arrive une lettre de Monseigneur Gaspari, « le premier acte officiel de Rome ». Une confirmation que l’œuvre est voulue par Dieu.
Pour commencer le Noviciat, Monseigneur Le Roy, encouragé par Monseigneur Pelt, évêque de Metz, demande une autorisation au Pape Pie XI « Je vous en charge, c’est un cas spécial et très intéressant pour vos missions. Je vous en charge, organisez cette société naissante que je bénis très affectueusement ». L’Institut, encore au berceau, est déjà béni par deux papes.
Monseigneur Le Roy attend davantage encore. Il a envoyé toutes les informations nécessaires au Cardinal Van Rossum, Préfet de la Propaganda Fide. La réponse de Rome se fait attendre. Mgr Le Roy, impatient, change de dicastère et s’adresse à la Sacré Congrégation des Religieux. Dans son nouveau document, il omet le nom de Sœur Eugénie Caps, qu’il remplace par l’expression plus vague « ces jeunes filles ». Quelques jours plus tard, Mgr Le Roy reçoit le décret N° 1218/ 1923, signé par le Cardinal Van Rossum à la requête du Pape Pie XI, le 22 mars 1923. Décret que nous connaissons toutes, qui reconnaît « Marie-Eugénie Caps, du Diocèse de Metz », comme l’animatrice du groupe. C’est pourquoi, deux ans plus tard, afin que l’Institut évolue de manière légale en France, Mgr Le Roy sollicite la signature d’Eugénie.
Un approfondissement
Relisons ce décret à la page 15 de nos Constitutions.
Ceci donne à réfléchir sur le rôle de l’Église Institutionnelle dans nos vies. Par exemple, une vocation, pour se développer, doit être reconnue et approuvée par l’Église.
Nos Vœux, nos Chapitres généraux sont des événements d’Église. Même notre prière, pour être en vérité, dans le réel et sur le chemin de notre Seigneur, a besoin d’être parfois éprouvée et toujours accompagnée. Toutes nos intuitions missionnaires et projets pour se réaliser ont besoin d’être connus et reconnus par la communauté.
Sommes-nous prêtes à faire vérifier nos intuitions personnelles en Communauté, en Congrégation, en Église ?
Ce Décret de 1923, qui fait de nous un Institut religieux missionnaire de Droit Pontifical, a été dissimulé.
« Le texte même de ce Décret d’érection canonique de la Congrégation n’a jamais été publié. Sœur Eugénie Caps, elle-même, n’en eut pas connaissance » nous apprend Sœur Élise Muller, au début de son récit « Origines de la Congrégation ».
Des dizaines d’années s’écouleront, et dans toutes les brochures ou articles, Monseigneur Le Roy aimera souligner le rôle exclusif de l’Esprit Saint, « sans fondateur ni fondatrice ». Ce qui a pu faire souffrir Sœur Eugénie et beaucoup d’autres Sœurs.
Pourtant, alors que Sœur Eugénie est religieuse Spiritaine, en mission à Allex, Monseigneur lui demande de signer un document officiel pour demander une reconnaissance légale en France. Celle-ci lui répond avec humilité « C’est une délicatesse de Votre Grandeur à mon endroit que cette invitation à poser la première signature sur ce document et j’y suis très sensible. Permettez-moi pourtant, Monseigneur, de vous exprimer en toute simplicité filiale mon étonnement de ne pas trouver parmi les signataires plusieurs autres noms, en particulier celui de Sœur Élise, car je comprends que le temps ne permette pas de demander la signature de Sœur Benoît et de ses compagnes du Cameroun1 ».
Ainsi donc, au-delà de toutes souffrances ou rancœurs, Eugénie reste souple, ouverte, et souhaite la reconnaissance de ses compagnes du début. Elle ne s’approprie pas la mission qui lui a été confiée.
Et nous, sommes-nous accueillantes et ouvertes à la participation des autres Sœurs de Communauté, du District, dans nos différents projets ?
En cette période où l’Église nous invite à plus de synodalité, que pouvons-nous partager de nos réalisations communes ?
Célébration
Le mois de mars, c’est le mois de Saint Joseph.
« Mon bon Saint Joseph que je suis heureuse ! Notre Supérieur permet que vous ayez votre Messe promise le 19 Mars. Entre vos mains je plaçais toutes les questions difficiles et jamais vous avez manqué de charité vis-à-vis de votre enfant gâtée que je suis. Une Messe et un beau cierge en votre honneur tous les ans, le 19 mars, dans notre chapelle en remerciement de toutes vos aides et assistances ». Cf. Journal de Sœur Eugénie Caps, 11 mars 1923.
Nous vous proposons de mettre un beau cierge allumé en l’honneur de Saint Joseph dans nos chapelles. Et de faire nôtre la prière de Sœur Eugénie.
Le mois de mars, c’est le mois de l’entrée au Ciel de Sœur Eugénie.
Nous célébrons le Centenaire de l’Érection canonique, date importante pour un Institut religieux voulu par Dieu, approuvé par l’Église, reconnu dans la société civile. Sœur Eugénie n’a pas été active dans le développement de l’Institution. Elle n’en est pas moins la mère, comme elle l’écrivait à Catherine Frentz « Voyez dans une œuvre, il faut que les fondements disparaissent, et cependant, ils soutiennent tout l’édifice. Sanctifiez-la par vos souffrances et vos angoisses peut-être, et ainsi elle fleurira, dirigée par d’autres mais non moins par vous, qui êtes sa première mère ». Cf. Lettres de Soeur Eugénie Caps à Catherine Frentz, 30 avril 1929.
Eugénie entre dans la Vie, le 16 mars 1931, en ayant conservé dans son cœur, l’enthousiasme et la ferveur de l’Intuition fondatrice.
En faisant mémoire de son décès, chaque communauté pourra faire dire une messe aux intentions de tous les membres de la Congrégation, que nous gardions et transmettions ce dynamisme missionnaire de l’Intuition au cœur de l’Institution.
Soeurs Marie-Bernadette Delpierre et Christelle Nassy