Nous continuons de cheminer dans la célébration du Centenaire de la première entrée au noviciat des Sœurs Spiritaines. En ce mois de février, notre chemin ne peut manquer de croiser celui du Père François Libermann. Parce que Sœur Eugénie Caps, notre Fondatrice, a reconnu en 1919, dans la spiritualité du Père Libermann, l’esprit qu’elle voulait pour la Congrégation à naître, « Voilà notre esprit tout trouvé ». Et parce que Père Libermann, le 2 février 1852, a rendu son âme à Dieu dans sa chambre, au 30 rue Lhomond, à Paris.
Nous vous proposons de regarder de près la manière dont François Libermann répond le 5 février 1837 à un séminariste qui lui expose ses difficultés. François Libermann lit attentivement la lettre qu’il reçoit et répond point par point au jeune homme en vue de l’aider à réajuster son attitude au choix de vie qu’il fait. Toutes les citations du Père Libermann dans ce feuillet sont des extraits de cette lettre publiée dans Lettres Spirituelles, tome I, pages 284 à 286. En février 1837, François Libermann, alors chez les Sulpiciens, se prépare à rejoindre le noviciat des Eudistes comme directeur spirituel. Il n’est pas encore prêtre.
À travers de courts extraits de son Journal, nous verrons aussi comment Eugénie, novice, est dans la ligne des conseils de François Libermann.
S’oublier, pour ne s’occuper que d’aimer Dieu.
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Mt 16, 24.
Un séminariste, peut-être un peu scrupuleux, partage à François Libermann son inquiétude sur les péchés qu’il a commis et dont il n’est pas conscient. En réponse, François Libermann l’invite à porter son attention sur le Seigneur plutôt que sur lui-même. Ce déplacement va le libérer de toute inquiétude malsaine.
« Ne vous inquiétez pas des défauts qui vous sont inconnus. Pensez à acquérir les vertus qui font les saints : l’humilité, la douceur, la paix, la modération, l’amour de Dieu, l’esprit d’oraison. Vous vous occupez beaucoup trop de vous-même, c’est une des choses qui vous sont un grand obstacle pour triompher de vos défauts. Oubliez-vous pour ne vous occuper que d’aimer Dieu. Que toute votre attention se fixe vers lui et non vers vous-même ».
Au noviciat, Eugénie aussi comprend qu’un trop grand souci du « moi » pousse à l’orgueil, à l’autosatisfaction et empêche le libre exercice de la charité.
Ce n’est pas le démon le grand ennemi des âmes, ce n’est pas le monde non plus, mais le « Moi ». Nous ne serons jamais des âmes intérieures si nous ne détruisons pas le moi en nous. Le péché n’est commis que pour satisfaire le « moi ». L’orgueil est l’amour désordonné du « moi ». Combien de choses peuvent se faire et se dire par orgueil. On peut agir en sentant l’orgueil mais on ne peut pas agir par orgueil. On manque à la charité pour satisfaire le « moi ». Cf. Journal de Sœur Eugénie Caps, 04 février 1923.
À travers la parole d’un Supérieur légitime, écouter Dieu.
« De la nuée, une voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie, écoutez-le! » Mt 17, 5.
Le séminariste a demandé à son Supérieur une permission de sortie et celle-ci lui est refusée, sans explication. Le séminariste est révolté ! Mais, Libermann l’encourage à développer une attitude d’écoute ajustée au Seigneur. Il l’invite à grandir en liberté intérieure, à ne pas s’accrocher à ses projets personnels pour mieux accueillir ceux du Seigneur.
« Vous ne savez pas pourquoi on vous a refusé la permission d’aller à tel endroit. Qu’est-ce que cela vous fait ? En quoi cela vous regarde-t-il ? Qu’il vous suffise de savoir que, pour le moment, ce n’est pas la volonté de Dieu que vous alliez en cette maison. La perfection doit être pratiquée en toutes choses. Vouloir savoir pourquoi on vous refuse est un pur amour-propre, croyez-moi. Je sais bien que dans votre esprit, il y a toutes sortes de raisons plausibles pour vous persuader qu’il faut savoir cela, et moi je vous dis : c’est une vilaine curiosité. Il faut, pour le moment vous tenir tranquille là-dessus et n’y plus penser. Profitez seulement de cette occasion pour marcher dans la bassesse et l’humiliation devant Dieu. Tâchez de vous établir dans cette vertu avec douceur et suavité de cœur, et vous trouverez le repos de votre âme ».
Au noviciat, Eugénie aussi apprend à accepter les médiations humaines qui lui sont données.
« Mon Jésus aujourd’hui je suis de nouveau plus calme et tranquille dans mon intérieur. Mon Dieu je sens bien vos désirs et ceux de ces Révérends Pères. Tous, vous voulez voir en moi une sainte. Hélas ! Une route et un chemin qui m’épouvantent. Moi-même, je ne veux rien d’autre : plaire à Dieu et faire sa très Sainte Volonté partout et toujours ». Cf. Journal de Sœur Eugénie Caps, 12 janvier 1923.
Accepter ses limites et les travailler, en toute douceur et paix intérieure, devant le Seigneur.
« Homme, on t’a fait connaître ce que le Seigneur réclame de toi : t’appliquer à marcher avec ton Dieu ». Cf. Michée 6, 8.
Le séminariste est déçu de lui-même. Il a mal répondu à une personne et il se le reproche, vivement. Libermann, fin connaisseur de la nature humaine, décèle un piège derrière ce sentiment de culpabilité et remet le séminariste en route.
« Je ne suis aucunement étonné des fautes que vous avez commises en répondant dans un moment d’agitation comme celui où vous vous trouviez alors. Vous n’étiez pas le maître de votre esprit, et par conséquent, vous n’êtes pas si coupable qu’on pourrait le croire. Le remède à tout cela n’est pas l’affaire d’un jour. Pourquoi vous mettre toujours en peine et vous troubler parce que vous avez de la difficulté à vaincre vos défauts ? C’est un pur orgueil. Dieu ne demande pas précisément que vous les vainquiez, mais il veut que vous ayez le désir de les vaincre et que vous y travailliez pour vous rendre agréable devant lui. Si vous vous troublez et vous impatientez, cela vient de ce que vous voulez en être débarrassé pour d’autres raisons qui sont mauvaises, par exemple pour être estimable et plus estimé ».
De son côté, Eugénie, pour progresser vers la sainteté, ne doute ni de l’aide de Dieu, ni du soutien de ses supérieurs, mais elle sait qu’il faut aussi sa coopération active !
« Dieu m’aidera toujours. Ni Supérieur, ni confesseur, ni Mère Maîtresse ne peuvent me faire du bien si de mon côté, avec votre sainte grâce, ô mon Dieu, je ne me mets pas sérieusement à la tâche, si je ne travaille pas à ma sanctification ». Cf. Journal de Sœur Eugénie Caps, 23 janvier 1923.
Paix et liberté intérieure
Dans les conseils suivants, nous retrouvons l’appel à la paix intérieure, si chère au Père Libermann.
« Tâchez de vous modérer dans toutes vos actions, d’amortir doucement la vivacité de votre intérieur, la promptitude de votre esprit, la violence de votre imagination et l’émotion précipitée de votre cœur. Quand quelqu’un vous regarde, vous en cherchez aussitôt la raison. Parfois vous pensez que c’est parce qu’on est content de vous, d’autres fois que c’est pour un motif contraire. Pourquoi cette recherche et toutes ces pensées, qui sont mauvaises ? Laissez chacun faire, dire et croire ce qu’il voudra. Tenez-vous simplement bien humilié devant Dieu ».
Des propositions à vivre ensemble
- À l’occasion du 2 février, nous pouvons organiser une rencontre avec des Amis d’Eugénie Caps, lire avec eux le paragraphe « À travers la parole d’un Supérieur légitime, écouter Dieu », et partager à partir de la lecture.
- Nous pouvons aussi relire en Communauté les numéros 57 à 62 de Notre Vie Spiritaine.
- Pour l’heure de prière, nous pouvons proposer les textes au paragraphe « S’oublier pour ne s’occuper que d’aimer Dieu », inviter à repérer les nombreuses distractions de ma journée, les sentiments qui m’habitent.
- Enfin, en ce mois de février, nous pourrions nous recueillir chaque jour 10 mn, en fin de matinée ou en début d’après-midi, pour nous tenir simplement devant Dieu, une pause au milieu des évènements de la journée.