Pourquoi appelait-on Soeur Madeleine Anna (Frieda), « Soeur Madeleine de Montana » si ce n’est parce qu’elle avait passé, dans cette station de Suisse au climat privilégié, quarante-trois années de sa vie ? Originaire de la Sarre, née en 1890, Frieda avait tenté, dès sa prime jeunesse, un essai de vie religieuse et les Supérieures lui avaient déclaré tout net qu’elle n’avait pas la vocation. Alors, elle attendait que la volonté de Dieu se manifeste autrement. En 1914, une rencontre avec l’Abbé Eich, à Bouzonville, l’éclaire et lui redonne espoir. Il lui parle « d’âmes pieuses capables de vivre de nos idées de vie intérieure ». Mais c’est surtout la seconde rencontre de novembre 1915 qui est décisive « Je crois avoir trouvé celle qui est destinée par le Bon Dieu à fonder l’oeuvre », déclare l’Abbé Eich à Frieda. En avril 1915, en effet, Eugénie Caps a eu l’intuition très forte qu’elle devait fonder une Congrégation missionnaire. L’année suivante, Frieda reçoit un message d’Eugénie « heureuse de faire connaissance avec elle et de pouvoir la saluer comme une petite sœur en Jésus ». Mais un contact épistolaire ne suffit pas ! Le 27 août 1916, Eugénie se rend près de Frieda, à Sarrebruck. « Je me suis sentie tout de suite un seul cœur et une seule âme avec elle et elle aussi à mon égard », écrit Frieda. La guerre finie, des obligations familiales la retiennent encore, mais elle suit avec grand intérêt les événements des années 1917-1920 concernant la fondation, le passage de Mgr Le Roy à Neufgrange en 1920, suivi du voyage d’Eugénie à Paris.
À Montana, en 1928, de gauche à droite, Sœur Eugénie Caps, Soeur Madeleine Anna, Soeur Élise Müller.
En novembre 1920, elle reçoit la visite d’Élise Müller, la future Soeur Élise, qui se prépare à partir pour Farschwiller, où le petit groupe des postulantes doit commencer la Congrégation le 6 Janvier 1921. Frieda rejoint ses compagnes le 2 Mars. Et très vite, les vocations arrivent, si bien qu’il faut envisager un déménagement à Jouy-aux-Arches en Mars 1922. Il s’agit d’une propriété qui demande beaucoup de réparations assurées par les Soeurs. « Nous étions toutes épuisées par les travaux de l’installation que l’on faisait jour et nuit pour finir à la date fixée », écrit Frieda. Le 6 Septembre 1924, Frieda, devenue Soeur Madeleine, est envoyée à Montana pour y refaire sa santé. Elle y retrouve Soeur Élise.
Toutes deux font profession le 5 octobre suivant. Soeur Madeleine est bien éprouvée, elle souffre d’un mal de Pott qui l’oblige à rester couchée, sa chambre donne sur la tribune de la chapelle, ce qui lui permet d’avoir la messe tous les jours mais sa santé ne s’améliore pas. Le 18 Mai 1929, elle subit une greffe de la colonne vertébrale et malgré la phlébite qui se déclare quinze jours après et lui vaut onze semaines d’hospitalisation, elle commence à marcher. Noël 1929, pour la première fois depuis cinq ans, Soeur Madeleine participe à la messe de minuit et y communie comme tout le monde « pas à genoux mais debout. J’ai passé le réveillon avec mes Soeurs ! Que Dieu est bon ! ». Elle nourrit encore l’espoir d’aller en Afrique. Le 5 octobre 1930, elle prononce ses vœux perpétuels avec Soeur Eugénie et reprend une petite activité à la couture. Une joie qui ne dure pas. Le 18 janvier suivant, le décès de l’Abbé Eich l’atteint en plein cœur. Un sacrifice plus grand encore va bientôt lui être demandé, celui de Soeur Eugénie elle-même qui rend son âme à Dieu le 16 mars. « Elle a été la première de l’Institut, elle est aussi la première au ciel après les vœux perpétuels », écrit Soeur Madeleine à Madame Caps. Le 28 septembre 1967, les restes mortels de Soeur Eugénie sont transférés de Montana à Nogent, Soeur Madeleine est là, bien émue et d’autant plus qu’elle a dû faire ses adieux à Montana d’où les Spiritaines se retirent. « On voulait me garder là-bas, j’ai répondu, non, je veux être enterrée auprès de Soeur Eugénie ! » Un désir qui se réalisera. Le 20 février 1974, Sœur Madeleine nous quittait, allant fêter avec les Sœurs Eugénie et Élise, le Jubilé d’Or qu’elle aurait dû célébrer quelques mois plus tard.
Soeur Paul Girolet