Soeur Madeleine Blanchet

Soeur Madeleine Blanchet, Spiritaine française, après de nombreuses années missionnaires en Centrafrique, au Canada, au Congo-Brazzaville et au Sénégal, poursuit sa mission en France au sein de l’association « Aurore ». Elle nous partage ses découvertes et ses joies d’être présente auprès des demandeurs d’Asile.

Il suffit d’avoir le cœur ouvert ! Je le découvre chaque semaine au Centre « Aurore » qui accueille chaque jour une centaine de demandeurs d’asile, 98 % d’entre eux sont musulmans. Je peux reconnaître chez eux les fruits de l’Esprit. C’est par Estelle, une amie de la communauté, lors de notre braderie en novembre 2018, que j’ai été orientée vers ce Centre. Je désirais depuis longtemps un bénévolat avec les migrants. Je suis comblée. Au premier contact, j’ai été accueillie par Seynabou, sénégalaise, coordinatrice du centre, femme chaleureuse qui se donne à plein, elle m’a tout de suite adoptée.
Quelques jours plus tard, j’ai été invitée à une rencontre des bénévoles, une cinquantaine de personnes donnent de leur temps, quelques personnes de mon âge et beaucoup de jeunes, étudiantes ou travailleuses. Seynabou a su faire participer chacun en leur donnant la parole, et en leur remettant des petits papiers pour les suggestions. Des propositions intéressantes ont été faites. J’ai apprécié là aussi l’atmosphère simple et fraternelle.

Un groupe de Migrants accueilli au Centre.

Chaque vendredi, je rejoins le Centre pour des services aux personnes. C’est Idriss qui me reçoit et me donne mon travail, il a le souci de me faire de la place, de me mettre à l’aise. Un jour, regardant des bibelots sur une étagère il me dit : « Jésus aussi est là ». Je lui dis « Tu es chrétien ? » Il me dit : « Non, je crois au Dieu unique, pour nous Jésus est un prophète comme Moïse et les autres prophètes ». J’ai d’autant plus admiré son attitude de bienveillance et de respect habituels. Le matin, je reçois les tickets pour le petit déjeuner et fais entrer nos amis cinq par cinq, attendant que les autres soient servis. Il y a de la discipline ! C’est l’occasion de les saluer, de demander comment ça va, d’échanger un sourire. Beaucoup ne parlent pas français, car ce sont tous des nouveaux arrivants. Ils parlent par l’expression de leur visage ouvert. Après le petit déjeuner nous préparons les plateaux pour le lendemain ou bien je les reçois à la buanderie. Nous leur donnons le nécessaire pour la douche et lavons les habits de ceux qui le demandent.
Trois machines à laver et trois sèche-linge fonctionnent à temps plein. A l’heure de midi les 25 premiers arrivés partent dans des centres où ils seront hébergés et 25 nouveaux arrivent, si bien que chaque semaine je rencontre des nouveaux. Beaucoup sont Afghans, ils ont traversé l’Europe avec beaucoup d’épreuves avant d’arriver en France. D’autres, nombreux aussi viennent de Guinée Conakry, du Mali, de la Mauritanie.
Chacun a son histoire. Ce sont presque tous des jeunes, entre 20 et 40 ans. Ils ont dormi dans la rue, sous la tente, dans des gymnases ou dans le métro et ils arrivent le matin, bien droits, courageux, sans se plaindre. Ils savent qu’au 82 rue Denfert, c’est l’Aurore d’une vie nouvelle en attendant avec patience et endurance d’obtenir les papiers qui leur permettront de vivre, de s’insérer et de travailler.

Soeur Madeleine et Idriss

Quelques-uns sont aidés-aidants, ils donnent de leur temps pour les autres. Le 21 décembre, nous avons fêté joyeusement Noël autour d’un plat afghan préparé par l’un d’eux et des desserts avaient été achetés en abondance, « ils le méritent bien » disait la responsable. Rien n’est de trop quand il s’agit de donner de la joie ! Pendant les temps disponibles, ils regardent les nouvelles de leur pays, les photos de famille, il y a une salle d’ordinateurs qui leur est accessible.
Le midi, ils reçoivent un repas froid et à 16 heures ils retrouvent la rue en attendant qu’après l’aurore, le jour enfin se lève leur apportant la sécurité d’une vie paisible.

                                                                 Sr Madeleine Blanchet