Le Père Richard Fagah, Spiritain, doctorant en Théologie, nous interpelle sur le fait que la Prédication est un moment sacré de la rencontre entre la Parole de Dieu et la vie de chacun de nous. Elle doit faire l’objet, certes de créativité pour s’adapter à l’auditoire, mais surtout ne pas tomber dans la « platitude » qui dessèche le cœur et l’agace, au lieu de le nourrir et de le réjouir.
Il convient, tout d’abord, de clarifier ce que l’on entend par « inventivité » afin de prévenir toute fantaisie de la part de certains esprits, pour lesquels la liturgie serait un terrain de jeu ou un lieu de divertissement pour la mise en valeur de leurs égos. La théologie de l’invention est une idée chère au théologien congolais, L. Santedi. Il écrit que « […] la théologie est l’interprétation actualisante du contenu même de la foi, mais au lieu de répéter ce contenu de façon passive, il vaudrait mieux sans cesse le réactualiser de façon vivante en fonction d’une situation historique nouvelle et en dialogue avec les ressources inédites d’une culture donnée » . Cela demande de risquer l’inventivité. « Si l’on ne prend pas le risque d’inventer, on prendra l’autre risque de répéter machinalement des formules qui ne rejoignent peut-être plus les gens dans leur vécu quotidien ».
Cela peut passer parfois inaperçu, il n’en demeure pas moins que la prédication est un lieu théologique en ce sens précisément qu’elle traite du vaste dépôt de la foi que sont les Écritures saintes et s’efforce à relever l’actualité de leur message pour l’homme d’aujourd’hui. Chaque fois que la Parole de Dieu est proclamée, elle fait écho dans le cœur de l’auditeur croyant. Elle interroge son expérience, l’interpelle ou le rassure selon les circonstances. Par conséquent, l’exhortation qui s’en suit est un moment privilégié où le texte de nos histoires individuelles et collectives rencontre le texte de la Parole de Dieu. Dans la mesure où cette rencontre est bien menée, nos histoires s’éclairent au jour de la Parole. Nous voyons alors des déplacements s’imposer et des nouveaux possibles s’inventer pour la suite de notre cheminement.
Qu’il s’agisse d’un bref commentaire de la Parole de Dieu au cours d’une messe en semaine, qu’il soit question d’une homélie plus développée un dimanche ou un jour de fête, ou encore d’une série de causeries dans le cadre des exercices spirituels, récollection ou retraite, la prédication est le lieu par excellence où notre vécu quotidien est aux prises avec la Parole, qui interpelle l’homme et l’invite sans cesse à cheminer et à habiter le temps présent avec le Dieu d’amour.
Pour faciliter une écoute actualisante de la Parole de Dieu, il importe donc de mettre en œuvre une approche méditative qui repère la manière inédite dont les péricopes proclamées engagent l’attention de l’assemblée. Le contexte historico-culturel ainsi que le lieu physique où l’on se trouve ne sauraient jamais être aléatoires. Ce contexte constitue le terrain nouveau où le texte de la Parole, le Verbe en effet, prend chair dans le peuple de Dieu pour le féconder à nouveau. C’est pourquoi, d’ailleurs, l’actualité s’avère souvent une excellente alliée du prédicateur lorsque celui-ci sait solliciter son secours et se servir d’elle comme arrière-fond de la méditation.
Du reste, il suffit d’être attentif à l’incarnation quotidienne de la Parole dans sa propre vie et dans celle de fidèles auditeurs pour souligner l’un et l’autre aspect qui méritent qu’on s’y arrête. Toute autre chose constitue du bavardage inutile qui tend à affamer et à émousser le sensus fidei fidelium, au lieu de le nourrir et de l’aiguiser. Il arrive qu’en guise de réponse à la « fraction du pain » sur la table de la Parole, on entend parfois grogner spontanément côtés prêtres dans les stalles de notre belle chapelle. Le sensus fidei est par nature sensible et quelque peu grognon. Il sait crier famine lorsqu’il n’est pas nourri.
Père Richard Fagah