Sœur Armelle Rabillard a été missionnaire Spiritaine au Canada et au Sénégal. Elle a consacré une partie de son temps à peindre des dizaines de tableaux.

soeur-Armelle.jpgLa peinture ? Un don reçu dès le berceau au sein d’une famille d’artistes. Elle témoigne « A l’âge de cinq ans, on me mettait déjà le fusain entre les doigts et, bon gré, mal gré, je devais me mouler dans un certain académisme situé tout à fait aux antipodes des préoccupations pédagogiques actuelles. Mon frère aîné, sculpteur de talent, a été mon premier maître. Mon frère cadet maniait le dessin industriel. J’ai eu de bons maîtres jusqu’à 20 ans, au gré des déplacements de mes parents ».

En 1942, elle rentre chez les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit et participe, en 1953, à la fondation des Spiritaines au Canada. C’est là que s’épanouissent ses dons.

« Au Canada, à l’école des Beaux-Arts de Montréal, j’ai beaucoup enrichi mon petit bagage artistique en suivant les cours de psycho-pédagogie. J’ai enseigné les arts plastiques dans le Québec. Conseillère pédagogique pour l’enseignement du dessin et des arts plastiques, je rencontrais régulièrement les professeurs de six écoles et leur donnais la marche à suivre. J’avais, en plus, huit périodes par semaine à assurer dans les cours secondaires. 2000 enfants de mon secteur attendaient de moi un message et je n’avais que de la joie à leur apporter. Mes visites étaient toujours une fête. Dans les rues, je me voyais désignée du doigt Maman, ma sœur de dessin ! Pour les plus grands, c’était une occasion unique d’avoir contact avec une religieuse qui ne prêche ni ne moralise mais qui propose des moyens pour faire par soi-même la découverte de la singularité personnelle. Joie de s’exprimer, joie de créer. Le jeune a en lui plus qu’il ne croit ! ».

Voici Sœur Armelle au Sénégal. A Dakar, elle réalise de nombreux tableaux. Elle ne se contente pas d’esquisser, mais elle peint, mêlant sur la toile sable et coquillages. Une partie de ses journées est consacrée aux plus pauvres, aux petites filles de la campagne venues pour gagner quelque argent à la capitale. Elle donne des cours de base. En Juin 1979, à l’occasion d’une exposition de peinture à la chambre de commerce de Dakar, elle présente ses tableaux peints en Afrique.

Voici comment le journaliste Pierre Souillac, dans le quotidien de Dakar « Le soleil », appréciait la soixantaine de toiles réalisées par la Sœur : « Cette peinture est le fruit de l’amour. Peut-être nous sommes-nous parfois demandé comment une Sœur voit la femme sénégalaise qui pile et allaite, le malade accueilli au dispensaire ou le lépreux dont elle panse les plaies, les jeunes paysannes déjà coquines qui apprennent la couture ? Qui est cette femme que nos frères musulmans entourent de respect et d’estime, dont ils ont expérimenté l’honnêteté rigoureuse, dont ils se savent compris et aimés ? Cette exposition, pour une part, nous le dira. Là, on ne trouve pas la moindre trace de racisme. On saisit la beauté du geste le plus banal. On est frappé de constater combien la Sœur est proche de tout et de tous. Elle vit à longueur de journée sa vocation maternelle grâce à un contact immédiat avec la maladie, l’enfance, la naissance, la mort. Son partage est constant à travers la souffrance, la confidence, le manque de ce pouvoir accaparé par les hommes, le dénuement. Ainsi se révèle une proximité de la masse humaine que, la plupart du temps ne peut atteindre Celui qu’il est convenu d’appeler le Père.

Je suis tenté de dire à nos amis, peintres sénégalais Allez voir cette exposition. Vous y apprendrez comment, sans souci de se faire de l’argent, sans souci des modes négro-africaines, une femme peut dire ce qu’elle est et ce qu’elle sent. Vous y apprendrez que l’art est la fructification d’une nécessité intérieure et non pas d’un marchandage ou d’une soi-disant vie d’artiste, un regard pur et simple sur le monde est plus efficace que la drogue, l’alcool ou des enseignements sophistiqués. L’art est le résultat d’un être soi-même.

Merci ma Sœur. Sans vous en douter, vous nous atteignez au fond de l’âme. Certes, votre « innocence » nous accuse. Mais vous êtes le véritable et peut-être le principal honneur de la présence européenne sur le sol du Sénégal. Et j’espère que les femmes sénégalaises se sentiront magnifiées dans leurs travaux quotidiens et leurs maternités, par cette manière qui est la vôtre de les approcher, de les décrire et surtout de les aimer ».

Sœur Armelle rentre définitivement en France en 1994. Pendant de longues années, elle continue à peindre. Les Journées d’Amitié de la Maison-Mère bénéficient de ses œuvres originales qui plaisent beaucoup. Mais le temps vient où le pinceau lui tombe des doigts. Elle mène alors une vie de silence et de prière qui n’est pas sans rayonnement, jusqu’au jour où, sans bruit, elle répond à l’appel de Celui qui demeure la source de la Beauté.

Volontiers, je lui appliquerais ce qu’écrivait Urs Von Balthazar après le Concile Vatican II « Ce dont l’Eglise aurait besoin, ce ne seraient pas seulement des théologiens, ce serait aussi cela, mais évidemment des saints. Pas simplement des décrets et encore moins l’institution de nouvelles commissions d’étude, mais des figures grâce auxquelles on pourrait s’orienter comme par des phares ».