Sœur Laly Nieto, responsable des Sœurs Missionnaires du Saint Esprit en Haïti, nous partage ce que les Spiritaines vivent dans ce pays.
Haïti a été affecté ces dernières années par des catastrophes, les inondations en 2007 et 2008, le tremblement en janvier 2010. Il est difficile de résumer ce que nous vivons avec le peuple haïtien.
Ces événements nous ont permis de vivre des expériences inoubliables dans notre vie personnelle et missionnaire. Nous toutes, dans une certaine mesure, avons vécu la souffrance de ce qu’un tremblement de terre implique et avons posé les mêmes interrogations que le peuple haïtien se pose:
La vie a- t- elle un sens ? Avons-nous encore des raisons de vivre ? Quel est l’avenir de notre pays, aurons-nous le courage de repartir à zéro ? Où est Dieu dans tout cela ? L’événement du 12 janvier est-il la conséquence des péchés ? Est-il une punition de Dieu contre Haïti ? Suis-je sauvé parce que je suis meilleur que les autres? Une nouvelle Haïti est-elle possible ? Si oui, sur quelles bases faut-il reconstruire ce pays ? Peut-on envisager la reconstruction du pays sans tenir compte de la volonté des autorités constituées, des rescapés, sans la participation de tous les haïtiens et haïtiennes du pays et de la diaspora ? Peut-on envisager la reconstruction d’Haïti sans envisager d’abord la reconstruction de l’homme haïtien ? Quel type d’homme pour quel pays ? Quel accompagnement psychologique offrir aux personnes traumatisées afin de les aider à surmonter leur traumatisme ? Quel rôle peut jouer la foi chrétienne, l’Eglise catholique à travers ses pratiques pastorales, les congrégations religieuses dans l’élaboration et la mise en œuvre d un plan de reconstruction d’Haïti?
Trois mots pour exprimer ce que le peuple vit et ce que nous essayons de vivre avec eux:
FORCE
dans la souffrance. Le peuple haïtien a donné témoignage de sa grande capacité de résilience. Les premiers jours après le choc ils ont dà» faire face à la situation. Les femmes ont réagi en prenant sur elles la douleur, et recommencé à chercher la vie pour la famille risquant leur propre vie, car elles retournaient au même endroit où elles avaient l’habitude de vendre, souvent sous des bâtiments à moitié effondrés.
La résistance à la douleur physique a été un grand témoignage pour nous tous. Faire le deuil de tous leurs morts, famille et amis, est à faire et il sera long car aujourd’hui c’est la lutte pour le pain de chaque jour. Malgré l’aide reçue, toujours insuffisante, le peuple doit acheter la nourriture qui est devenue plus chère et difficile de trouver.
L’Église et les communautés religieuses ont été très touchées par le séisme du 12 janvier. Plus de 50 églises paroissiales ont été frappées, beaucoup de morts et de blessés enregistrés au niveau des communautés religieuses, des maisons d’accueil, des résidences, des écoles endommagées ou détruites; des hôpitaux, des orphelinats n’ont pas été épargnés.
Nous, Spiritaines, avons dù faire le deuil de notre présence dans le quartier populaire de Jacmel, après six ans de présence, car la maison a été frappée ainsi comme plusieurs maisons dans la même rue. Cinq amis du quartier sont morts. Nous avons vécu le déplacement vers le quartier de Meyer, à 4 kms de Jacmel, comme un déracinement et une grande souffrance.
SOLIDARITE dans l’effort:
Depuis les premières minutes après le tremblement, les haïtiens se sont mis au travail pour sauveur leurs concitoyens qui criaient dans les bâtiments effondrés, sans peur d’être ensevelis. Ils ont cherché toute la nuit, avec des lampes de poche, avec grand courage et détermination. La joie des rescapés donnaient force aux sauveteurs. L’arrivée massive des ONG et leur personnel a été d’une grande aide. Se sentir enveloppé par le grand élan de solidarité a été essentiel dans les temps d’urgence.
Écoutons ce qu’une haïtienne nous dit :
« Ce tremblement de terre a provoqué un grand choc, des traumatismes, ce tremblement a, de fait, provoqué un temps de dépouillement, de détachement. On a peur de sa maison, on n’a pas accès à son carnet de banque. On vit de la charité des autres, voire de la mendicité. On fait l’expérience de la petitesse, de la nudité, de la honte …. Mais ce tremblement de terre a provoqué aussi un tremblement de cœur : la situation d’Haïti a interpellé tout le monde et a déclenché des gestes de solidarité provenant du monde entier, des croyants, des non-croyants.
Le plus grand symbole que l’on puisse représenter c’est l’Homme, symbole de la vie, car le lendemain du tremblement, des hommes des 4 coins du monde se sont mis debout pour redonner le gout de vivre au peuple Haïtien ».
La solidarité des religieux des Caraïbes et d’ailleurs a permis vivre une mission unie d’àglise qui a été le témoignage de l’essentiel : nous faire proche de celui qui souffre. Spiritaines, n’avons pas été des sauveteurs mais, dans la mesure de nos possibilités, avons pris à cœur d’aider le plus possible : Accueillir les malades provenant de Port-au-Prince dans le dispensaire de Lavoù»te et partager les médicaments avec Caritas-Jacmel. Aider le personnel médical provenant des pays hispanophones et anglophones dans la traduction au créole. Aider les malades avec notre présence et appui. Prier avec eux. Préparer les sachets de nourriture pour partager dans les quartiers de Jacmel en collaboration avec Caritas. Accueillir dans notre nouvelle maison de Meyer trois infermières étrangères pour pouvoir faire une clinique mobile dans les quartiers de la Paroisse. La reconstruction psychologique des personnes sera longue et dans ce sens nous avons facilité à une thérapeute religieuse la formation des séminaires pour les jeunes et les membres de Caritas.
ESPOIR dans un avenir incertain:L’Espoir dans un avenir meilleur passe à travers la Reconstruction humaine, sociale, des lieux.
Bien que le déblayage soit loin d’être fini dans les villes, que des milliers des personnes vivent encore dans des abris provisoires, sous les tentes, il y a des activités et des projets programmés par le Gouvernement, par l’Église, par la communauté Internationale pour faire un Haïti nouveau.
Beaucoup d’étrangers sont proches de la souffrance du peuple haïtien mais beaucoup d’entre eux considèrent que c’est un pays impossible de sauver, pourtant le plan de reconstruction fait par les urbanistes haïtiens, responsables du développement du pays, donne beaucoup d’espoir pour l’avenir du pays. Cet espoir passe par la Décentralisation, par des pôles de croissance dans les petites villes, les villages, etc.
La Conférence des Religieux d’Haïti a créé une commission en vue d’aider les communautés religieuses à bien construire, à prodiguer des conseils et évaluer nos projets, nos terrains avant de construire ou d’acheter. La CHR a un comité d’aide psychologique pour les personnes en difficulté.
Une vie nouvelle doit être donnée aux rescapés et avec les rescapés, il faut agir ! Dans le désir d’agir pour redonner confiance dans l’avenir, nous Spiritaines avons choisi de répondre à la demande des villageois de Lavoûte de construire une École Primaire Presbytérale. Un Centre Polyvalent pour accueillir la Pastorale de l’Enfant, comme c’était le souhait de la docteur Zilda Newmann Arns, brésilienne, qui a donné sa vie pour ce projet en Haïti ; et une Bibliothèque pour les jeunes du quartier.