En 1905, la petite Marie Vatté a trois ans. Elle doit quitter sa Lorraine natale pour aller vivre avec ses parents en terre algérienne.

 

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Soeur Claude Vatté

Vingt ans plus tard, elle retrouve la France afin de répondre à l’appel de Dieu. Elle entre chez les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit. Elle y fait profession le 26 mars 1928.

Mais alors que ses compagnes connaissent la joie d’un départ missionnaire vers l’Afrique ou les Antilles, ses supérieures demandent à Sœur Claude, son nom de religion, de rester en France. Elles ont reconnu en elle les qualités d’une éducatrice dont le jeune Institut a besoin. De 1932 à 1941 puis encore de 1944 à 1946, elle formera plusieurs groupes successifs de missionnaires.

Soeur Claude Vatté en rencontre pastorale.

Est-ce alors pour elle l’heure de l’Afrique ? Pas encore ! De 1946 à 1950 elle est chargée de la formation des novices chez les Sœurs Servantes de Sainte Thérèse, Congrégation récemment fondée pour s’occuper de l’œuvre des Orphelins d’Auteuil. Enfin, en 1950, la voilà au Cameroun, le sillonnant d’Ouest en Est, au gré des services à rendre. Elle accepte aussi bien de vivre dans un quartier populeux de Douala que dans le recueillement d’un noviciat des Sœurs Camerounaises. Partout on apprécie son savoir-faire et sa gentillesse.

En 1977, son âge et sa santé l’obligent à envisager un retour définitif en France. Elle continue à vivre la mission à Paris notamment au sein de la communauté des travailleurs africains. Elle a la joie d’y préparer au baptême des catéchumènes adultes. N’a-t-elle pas l’audace d’apprendre le créole portugais afin de mieux annoncer la Bonne Nouvelle à des manjaques, venant du Sénégal et de Guinée-Bissau ! On la voit très épanouie dans cet apostolat.

Maison de retraite à Nogent-sur-Marne.

Mais un jour, ses supérieures lui demandent de rejoindre la maison de retraite de Nogent sur Marne « je n’ai jamais rien refusé à mes responsables, répond-elle simplement, ce n’est pas à mon âge que je vais commencer ! » Son « Oui » lui coûte pourtant. Le 15 octobre 1980, elle arrive à Nogent. Bien qu’éloignée de Paris, elle reste en relations avec un couple de catéchumènes sénégalais qui habitent le 18ème, Thérèse et Laurent Mendy.

Début janvier 1981, Thérèse est sérieusement brûlée en changeant une bouteille de gaz mal conditionnée qui s’est enflammée. Sœur Claude suit l’affaire de près. Elle trouve pour la malade une maison de repos qui l’accueille à sa sortie de l’hôpital et elle tient à lui apporter des vêtements chauds avant son départ. Le dimanche 1er février, elle quitte donc Nogent de bon matin et rejoint Thérèse dans son appartement. Après quelques minutes de marche, Laurent voit la religieuse s’effondrer sur une petite murette rue des Portes Blanches. Sans un mot, Sœur Claude, épuisée par cette marche matinale, est entrée dans son éternité. On devine l’émotion de Laurent et, bientôt, celle des Spiritaines de Nogent et de la Maison-Mère. Le corps est transporté à l’Institut Médico-légal et l’inhumation n’aura lieu que le 9 février à cause des formalités à remplir. Mais les témoignages arrivent, émouvants, retenons celui de la communauté africaine « Qui de nous ne connaissait pas Sœur Claude ? Aimable avec chacun, s’informant discrètement des nouvelles de chaque famille, se réjouissant avec ceux qui vivaient un évènement joyeux, partageant la souffrance et le deuil de ceux que frappait l’épreuve. Humble, effacée, mais combien efficace, elle avait une extraordinaire capacité de travail qu’elle puisait dans sa vie de prière. Malgré son âge, la fatigue accumulée au service du Seigneur, elle allait, souriante, ici et là, partout où se faisait la nécessité, sans jamais calculer sa peine. Elle est morte en accomplissant son ministère de catéchiste jusqu’au bout. C’est en plein travail apostolique qu’elle a rencontré le Seigneur pour toujours ».

Une Sœur connaissant bien Sœur Claude lui adresse un message fraternel « Chère Sœur Claude, mourir un matin d’hiver, en plein quartier de migrants, avec, comme seul témoin, un catéchumène sénégalais, partager le sort des pauvres, même après la mort, voilà qui ferait envie à plus d’une Spiritaine ! Et puis, tu es partie en plein exercice de l’amour. Quand je suis arrivée chez Thérèse, cet après-midi, j’ai pu m’en rendre compte. Tu avais minutieusement préparé son départ pour la maison de retraite que tu lui avais trouvée. J’ai vu la lettre par laquelle tu demandes au conducteur de car « d’avoir la bonté de la descendre le plus près possible de l’établissement elle a encore les jambes très douloureuses ». J’ai vu également le grand sac plein de linge et de lainages que tu lui as apporté ce matin même afin que rien ne lui manque. Thérèse osera-t-elle y toucher ? Elle est tellement émue de ce qui s’est passé ! Après avoir prié avec elle, je suis allée me recueillir à quelques pas de là, rue des Portes Blanches, près de ta petite murette sur laquelle tu t’es effondrée. Le quartier était grouillant d’étrangers et tu étais très proche de nous.

Merci, Sœur Claude, de m’avoir appris silencieusement, ce que c’est que d’être donnée !

C’était une âme de feu ! disait d’elle sa supérieure générale.