Parmi toutes les provinces françaises, l’Alsace est sans doute une de celles au palmarès le plus éloquent : de cette terre féconde, sont issues 76 spiritaines dont trois natives d’Eschbach, un village d’un millier d’habitants. C’est là que naît Madeleine Beyler, le 20 Septembre 1900. Elle parle elle-même de sa jeunesse : « Jeune fille, j’aimais beaucoup les belles robes, la bicyclette et pschitt !… On était heureux en famille. Je ne pensais vraiment pas à  me faire religieuse ! »

Le 17 Avril 1923, à  l’étonnement de tout le monde, elle entre chez les Sœurs Missionnaires du Saint-Esprit, fondées deux ans auparavant et, en 1925, elle fait éclater une véritable bombe en annonçant à  sa famille qu’elle va partir pour le Cameroun. « Tu n’y penses pas – s’exclame sa mère – tu serais bien mieux avec les Sœurs d’ici ! » Mais, évidemment, rien ne peut la faire revenir sur sa décision ! Elle s’embarque à  Marseille avec cinq autres jeunes Sœurs. Destination : la mission de Minlaba.

A Minlaba, au sud du fleuve Nyong, sur une colline d’où la vue est superbe, une mission a été créée par les Missionnaires Allemands en 1912. Une maison devait y accueillir les Sœurs Pallottines : elle est restée vide. La première guerre mondiale où le Cameroun, colonie allemande, se trouve impliqué, a obligé les Pères Pallottins à  se retirer en 1916. La Providence veille !Soeur-Celine-B.jpg Et c’est ainsi que le 19 Décembre 1925 à  huit heures du soir, à  la lueur des torches, les Spiritaines font leur entrée à  Minlaba. Les trois Sœurs se mettent à  l’ouvrage, tout est à  organiser, avec les moyens du bord : école, plantations, formation des fiancées, cuisine commune aux Pères et aux Sœurs, ce qui n’est pas sans amener parfois de petits incidents de frontière. On entend par exemple : « Le cuisinier reste trop seul ! La Sœur est trop souvent à  la prière ! » Bientôt, Sœur Céline est nommée supérieure de la communauté : grâce à  son envergure et à  sa bonté, les relations deviennent vite excellentes !

La vie est plutôt austère. Pas de voyages de détente. Quelques sorties nécessitées par la santé (dentiste, médecin) et encore il faut attendre une occasion de voiture pour aller à  la ville où l’on cherche également le courrier à  50 kms. « Oui, la vie était dure, pourra dire Sœur Céline, mais nous étions si heureuses ! » Heureuses de voir grandir l’Eglise et naître des familles chrétiennes. En 1930, elle est très fatiguée : elle a dà» s’occuper des plantations de café, surveiller la fabrication de l’huile de palme et même, bien qu’il n’y ait pas encore de dispensaire, mettre à  profit ses connaissances d’infirmière. Son retour en France est décidé.

Le 28 Mai 1932, les cloches de Minlaba sonnent à  toute volée : Sœur Céline est de retour ! Le Père supérieur fait prier « afin que la Sœur accomplisse un long séjour à  la mission ». Prière qui sera largement exaucée puisqu’à  cause de la guerre, Sœur Céline ne rentrera en France qu’en 1946. On lui construit un dispensaire car il règne un véritable engouement pour venir « se faire piquer ». Elle parle très bien la langue du pays, l’Ewondo, ce qui constitue un avantage incontestable pour dialoguer avec les « clients ». Seul inconvénient : on manque de médicaments ! D’autres chantiers s’ouvriront bientôt : un orphelinat, puis la première formation de quelques jeunes filles attirées par la vie religieuse. Au total, un quotidien bien chargé !

En Septembre 1939, la guerre éclate en Europe et les Pères de la mission sont mobilisés. C’est le vide partout et le manque de nouvelles pèse lourdement sur la communauté des Sœurs.
A Sœur Céline revient d’entretenir le moral! Enfin, en 1941, le bulletin de la Congrégation arrive à  Minlaba ainsi que des lettres des familles.
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Les Pères sont revenus à  la mission et heureusement car un vent de Pentecôte souffle sur l’Eglise du Sud-Cameroun. Aux jours de fête, « les cloches sonnent à  toute volée et aussitôt, en moins de cinq minutes, l’église est pleine! »

En Février 1945, événement sensationnel : de nouvelles Spiritaines sont arrivées de France à  Yaoundé. On peut envisager un retour en congé pour Sœur Céline qui en est à  sa quatorzième année de Cameroun ! Ce qui se produit en 1946. Reverra-t-elle l’Afrique ? Oui : après quelques années de service en Alsace, la voici de nouveau sur la terre Camerounaise. Elle assure la responsabilité de l’important dispensaire de Mvolyé. On lui demandera de le quitter pour un temps afin de remplir une double nouvelle tâche : tenir le dispensaire de Nsimalen et former des religieuses Camerounaises au soin des malades. Ce dont elle s’acquittera avec ferveur. Les Soeurs diront d’elle : « Blanche de peau, africaine de cœur, voilà  ce qu’elle était et ce qu’elle reste pour nous ! »

Mais on revient toujours à  ses vieilles amours : En 1957, on retrouve notre pionnière à  Mvolyé qu’elle ne quittera plus jusqu’à  la fin de son séjour au Cameroun, coupé par deux congés. Elle soigne et réconforte des milliers de malades, surtout des enfants dont beaucoup lui doivent d’avoir survécu à  leur misère. Des employés de l’administration, des musulmans, des couples en difficulté, des jeunes cherchant leur voie viennent la consulter. Parmi les séminaristes, les prêtres, les religieuses, combien bénéficient de ses soins attentifs.

En 1973, elle fait le sacrifice de l’Afrique, après 44 années de Cameroun. « Mon retour en France, une véritable agonie ! » dira-telle. Pourtant, elle assume ce dur passage avec une foi si profonde que, malgré sa souffrance, elle rayonne et garde un dynamisme qui révèle une vie intérieure intense. Avec cela, une ouverture à  la nouveauté ! Elle déclare : « La société a changé ? Eh bien ! marchons avec elle ! » Deux années passées à  Colmar, puis c’est Nogent, la maison des Sœurs aînées… La veille de sa mort, une Spiritaine lui pose la question classique : « Comment allez-vous, Sœur Céline ? » Et elle de répondre : « Bien, merveilleusement bien ! » Le lendemain, elle partait chez le Seigneur !