« Une Supérieure générale va traverser l’Afrique en avion ! » Un titre à sensation pour un journaliste de 1937 ! En effet, il n’était pas banal, à l’époque, qu’une religieuse parte ainsi et parcourt, en avion, un circuit de 31 368 Kilomètres ! C’est pourtant ce que réalise Mère Michaël Dufay, du 12 novembre au 13 avril 1938, afin de se rendre compte du travail accompli par les Sœurs à Madagascar, en Oubangui, au Cameroun et au Congo.
Arrêtons-nous avec elle en ce dernier pays pour visiter les Spiritaines de la mission de Loango. En 1937, elles viennent de s’y installer, succédant aux Sœurs de St Joseph de Cluny. Si les Spiritaines se sont « posées » dans cette station fondée en 1883, c’est avec la perspective de créer une communauté à Pointe-Noire, la ville nouvelle située à 25 Km et appelée à un grand développement.
Perspective renforcée par la demande adressée à Mère Michaël lors de son passage : « Le commandant-docteur nous désire beaucoup et m’a fait visiter toutes les œuvres sanitaires de la ville ». Effectivement, le 11 février suivant, deux spiritaines débarquent à Pointe-Noire « création artificielle en tête du Congo-Océan » écrit l’une des fondatrices qui poursuit : « cette installation s’est faite si rapidement et si discrètement que personne ne voulait y croire ! » Le premier soir, lorsque nous rentrions chez nous vers 20 heures, un policier nous arrête : « Où allez-vous – Mais chez nous ! – Où donc ? » Et pour en être sûr, le brave homme nous accompagne jusqu’à la porte. Le tour de clé dans la serrure achève de le convaincre…
Le village africain, joliment disposé en éventail à 2 Km de la ville européenne groupe 10 000 habitants de toutes tribus et de toutes langues… Quelques femmes parlent français, bien vite, nous prenons contact avec elles et bien vite aussi, elles expriment leurs désirs, elles voudraient notamment un internat pour leurs enfants ! Comment les satisfaire alors que les Sœurs ne disposent que d’une seule pièce et d’un bout de véranda ? Avec les grandes filles, l’ouvroir commence en plein-air, à l’ombre des bambous. Pour les écolières, un commerçant prête un de ses magasins de gros. Une installation de fortune qui ne peut durer. Bientôt, sur un terrain concédé par l’Administration, d’indispensables constructions sortiront de terre : elles abriteront la communauté et les œuvres scolaires y compris un Collège et Centre d’enseignement ménager.
Toutefois, les écoles ne constituent pas la seule activité des Sœurs. Des infirmières avaient été sollicitées pour l’hôpital : il y en a eut une dès 1939 et cinq la rejoignirent après la guerre car l’établissement s’était considérablement développé : la maternité, le service de médecine infantile, le pavillon européen et le dispensaire bénéficiéront de longues années de la présence des Spiritaines.
D’autres fondations verront le jour : Dolisie, Ntié-Ntié, Makabana, Jacob, Mouyondzi. Mais en 1965, le pays bascule dans le marxisme. Tout l’enseignement est alors nationalisé et dans des conditions telles qu’il est impossible aux missionnaires d’envisager une quelconque collaboration.
Les Sœurs se reconvertissent et axent leur pastorale sur trois pôles : formations des laïcs, animation des communautés de quartier, éveil des vocations.
Les réunions sont interdites mais les chorales et bibliothèques deviennent des lieux d’évangélisation. Les chrétiens, dans leur grande majorité, restent fidèles à leur foi.
Aujourd’hui, le régime politique a changé : les chrétiens ont retrouvé leur liberté.
Nos communautés sont moins nombreuses mais dans le sillage de leurs aînées, dix Spiritaines congolaises ont déjà consacré leur vie à l’annonce de la Bonne Nouvelle.