«Les vieilles doivent avancer. Les jeunes ne pas passer par-dessus les barricades». Ainsi s’exprimait Sœur Elisabeth, 102 ans, lors d’une interview pour la revue «Pentecôte sur le monde».

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«Ma vie ? Un vrai roman, reconnaît-elle. En 1875, je vois le jour à  Choisy-le-Roi. A 13 ans, j’entre comme apprentie chez Mirtil- Mayer, une Maison de mode. En 1900, j’épouse un employé de cet établissement. La guerre éclate en 1914. Je me présente à  la mairie de Villiers sur Marne, où j’habite, pour me faire inscrire à  la Croix Rouge et je m’engage à  l’hôpital jusqu’à  sa fermeture en Avril 1916». Ses compétences et son dévouement lui vaudront une citation du Ministère de la guerre.

«Ayant mon mari très malade et une tante de 80 ans qui ne m’avait jamais quittée, je dois rentrer à  Paris. Je reprends mon travail de jour à  la Maison de mode et je m’offre à  la Croix Rouge pour des veilles et un service le dimanche. La guerre se termine. Mon mari meurt en Août 1919 et ma vieille tante le suit un an après. Je n’ai plus personne et aspire à  donner ma vie au Seigneur pour servir les pauvres. On me fait connaître les Sœurs Missionnaires du Saint Esprit qui débutent en Lorraine. En Mars 1922, je me joins au premier groupe et, après de longs mois de préparation, nous prononçons notre consécration en Octobre 1924. J’ai 49 ans !

Il me faut encore attendre 1931 pour partir en Martinique, à  Fort-de-France. Infirmière, je travaille dans un dispensaire, au cœur d’un quartier populaire où toutes les misères du monde semblent s’être donné rendez-vous… J’y reste jusqu’en 1947. A 72 ans, malade, il me faut rentrer en métropole».

Ce que sœur Elisabeth ne dit pas, c’est que, par les soins qu’elle a prodigués et par le témoignage de toute sa vie, elle laisse un souvenir dont les Anciens du pays se rappelleront longtemps. A son Jubilé d’or, en 1974, un docteur de Fort de France, avec qui elle avait travaillé longtemps, viendra spécialement l’entourer et lui exprimer la gratitude de nombreux Martiniquais.

Nommée à  la communauté des Sœurs aînées de Nogent, elle frappe tout le monde par sa jeunesse de cœur. Elle reste très présente à  tout ce qui se passe dans la Congrégation et au-delà . Sœur Elisabeth accueille chacune en acceptant les différences et affectionne particulièrement les jeunes qu’elle comprend bien.

En 1975, elle fête son centenaire. Ce jour-là , des mains du Maire de Nogent, elle reçoit la médaille de la ville. Ce jour-là  aussi, Sœur Johanna Ammeux, Supérieure générale, lui adresse la parole :

« Chère Sœur Elisabeth,
100 ans ! Vous avez aujourd’hui 100 ans ! Et que puis-je vous dire ? Vous êtes au 100ème échelon, je ne suis qu’au 55ème. Il me faut regarder bien haut pour vous apercevoir! C’est vous qui savez les choses, c’est vous qui pouvez parler ! Votre territoire de mission, c’est chaque mission de la Congrégation avec qui vous êtes presque en direct par les visites que vous font les Sœurs et on pourrait dire que votre chambre est un véritable laboratoire d’informations bien enregistrées, votre seule mémoire y suffisant. Vous n’avez pas eu besoin d’un magnétophone… Votre mission maintenant, c’est de déverser sur chacune les heureux fruits de la vieillesse : sagesse, délicatesse, tendresse… »

A la veille de fêter ses 104 ans, le 4 Novembre 1979, Sœur Elisabeth rend son âme à  Dieu. Elle avait demandé des chants joyeux pour la cérémonie de son départ vers le ciel.