Mai 1940 – L’arrivée d’une élégante quadragénaire suscite un moment de distraction parmi les novices des Sœurs Missionnaires de la Congrégation du Saint Esprit réfugiées à  Saint Pierre la Cour en Mayenne. A 46 ans, Rose Sosia Selma Von Klonowska, de nationalité britannique, née au Transvaal, veuve d’Alfred Falkand Robinson, a demandé son admission chez les Spiritaines. Elle désire consacrer sa vie à  Dieu pour le service des pauvres «dont la misère et le délaissement sont les plus grands». Elle arrive de Londres où son fils unique, Peter, poursuit sa formation chez les Jésuites.

Rose appartient à  un milieu aisé, mais la situation inconfortable du moment ne l’impressionne nullement. N’est-ce-pas une lointaine préparation à  la vie missionnaire qui l’attend ? En Juillet, après la signature de l’armistice, elle revient à  Draveil, en Seine et Oise, avec le Noviciat.

Février 1941- Par ordre des occupants, des gendarmes viennent chercher les trois novices étrangères pour rejoindre le camp de déportation de Besançon. Rose s’y fait tout de suite remarquer : infirmière, elle parle quatre langues et son dynamisme lui fait prendre des initiatives pour maintenir le moral de ses compagnes. En Avril 1942, elle est libérée et fait profession un an plus tard.

Mai 1949 – Sœur Rose arrive à  Beauport, en Guadeloupe, y est responsable du dispensaire d’une usine sucrière : 3500 ouvriers, plus les enfants et les femmes qui, bien souvent, travaillent aussi dans les champs de canne à  sucre. En Mai 1952, une terrible explosion ébranle l’usine. Une foule affolée envahit le dispensaire, des hommes brà»lés arrivent en hurlant. Il y a huit victimes. Sœur Rose sera profondément marquée par l’événement. Aussi apprécie-t-elle de partir en congé le 28 Juin suivant pour assister, le 30 Juillet, à  l’ordination sacerdotale de son cher Peter.

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1955 – Elle rêve toujours d’aller chez les lépreux et devant l’impossibilité de se mettre au service de ceux de la Désirade, elle réussit à  s’engager, avec deux autres Sœurs, à  l’asile du Raizet, près de Pointe-à -Pitre : une centaine d’hommes et de femmes y ont tellement besoin de chaleur humaine et d’amitié. Là , elle est comblée ! Elle écrit : «Quelle consolation que ces sourires de vieux mourants qui nous reconnaissent à  leurs derniers instants…»

Aoù»t 1956 – Un cyclone d’une rare violence bouleverse la maison de retraite. Plus d’électricité et surtout, toitures envolées sous une pluie torrentielle : «Trempées jusqu’aux os, nous travaillons à  mettre les pauvres hommes terrifiés dans n’importe quel coin qui semble donner un peu de protection… la pluie tombe dans toutes les salles et les débris volent tout autour… on traîne les impotents sur leur matelas… le bâtiment des femmes est moins endommagé mais les occupantes sont folles de terreur ! Le Directeur de la Santé et les gendarmes viennent dans la matinée constater les dégâts. Des ouvriers les accompagnent pour commencer le travail de déblaiement, mais la pluie se déclenche de nouveau. Il faudra plusieurs jours pour que tout rentre dans l’ordre. Les Sœurs n’en peuvent plus !»

Les années se succèdent et la santé de Sœur Rose se dégrade lentement, on l’envoie même se reposer à  la suite d’une petite crise cardiaque qui l’oblige d’abord à  ralentir son rythme puis à  accepter son rapatriement le 3 Octobre 1962. Elle passe un an comme malade dans une communauté et meurt le 27 Novembre 1963.

Donnée aux pauvres du Raizet jusqu’à  épuisement de ses forces, elle a vécu selon la règle de vie spiritaine :

«Voués par le Seigneur aux pauvres et aux malheureux,
les missionnaires auront un soin
et une tendresse particulière
pour ceux dont la misère
et le délaissement
seront les plus grands…»